Notre proposition porte sur l'enseignement secondaire belge francophone et vise à comprendre la réception locale d'instruments de testing. Au regard du contexte empirique étudié, il convient de relever d'emblée deux des spécificités de ces instruments de testing. D'une part, la mesure quantitative supposée rendre compte de l'efficacité du travail enseignant n'est pas tout à fait centrale dans le dispositif instrumental que nous étudions. Ici, le changement est supposé dériver de l'utilisation, par les équipes, d'une série d'instruments transmis aux écoles ex-post, après l'évaluation externe des élèves, en vue de stimuler la réflexion des enseignants sur leurs pratiques. Ces instruments « réflexifs » constituant en quelque sorte des modèles de bonne conduite adossés aux perspectives que souhaite imposer l'autorité éducative.
L'autre spécificité du dispositif de testing analysé est que les tests que nous étudions sont pensés en fonction de contenus et de perspectives didactiques et pédagogiques similaires à toutes les écoles. Or, ce qui caractérise notre espace empirique, c'est justement la multiplicité des offres scolaires et des perspectives didactiques et pédagogiques, ce qui s'explique par le contexte historique et culturel de la fédération Wallonie-Bruxelles qui repose sur un compromis entre laïques et catholiques autorisant chaque école à organiser sa propre offre scolaire et chaque famille à sélectionner en toute liberté une école.
C'est au niveau de l'organisation scolaire que se porte notre intérêt pour la réception de ces instruments. Dès lors qu'on positionne l'intérêt à ce niveau dans la perspective néo-institutionnaliste qui est la nôtre, l'enjeu théorique qu'implique l'arrivée d'un testing similaire partout et d'une série de documents « réflexifs » est la possibilité d'un recouplage de la structure organisationnelle formelle des écoles à la réalité des pratiques internes (Hallet, 2010). Selon l'hypothèse néo-institutionnaliste « classique », ces deux dimensions sont largement découplées, l'adoption d'une structure organisationnelle formelle commune par les organisations scolaires s'apparentant d'avantage à une adoption symbolique qu'une réelle intégration (Meyer & Rowan, 1977).
Notre perspective théorique permettra d'appréhender à la fois les implications organisationnelles (entrainer un recouplage via les instruments réflexifs) et les enjeux politiques plus larges (harmonisation de l'offre scolaire et des orientations pédagogiques et didactiques) qui sont sous-jacents aux instruments qui nous intéressent. Sur le plan empirique, notre travail reposera sur l'étude d'un matériau relié à trois études de cas « extrêmes » à la fois extensives et longitudinales qui permettent bien de documenter les modalités de réception de ces instruments – notamment du point de vue de leur légitimité au niveau local.
Hallet, T. (2010). The Myth Incarnate Recoupling Processes, Turmoil, and Inhabited Institutions in an Urban Elementary School, American Sociological Review, 75 (1), 52-74.
Meyer, J. & Rowan, B. (1977). Institutional organizations: Formal structure as Myth and ceremony. American Journal of Sociology, 83, 340-363.
Mons, N. (2009). Les effets théoriques et réels de l'évaluation standardisée, complément à l'étude « Les évaluations standardisées des élèves en Europe : objectifs, organisation et utilisation des résultats », EACA, Bruxelles: Eurydice.
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