Parmi les médiums éducatifs, la littérature pour la jeunesse a une place importante à l'école, dans les structures de loisirs et les familles, l'une de ses visées étant d'accompagner la découverte du monde et de l'altérité, de soi et des autres (Prince, 2011). Parmi les nombreux ouvrages illustrés qui participent à la circulation de récits et d'images sur le monde, certains mettent en visibilité l'approche de la question mélanique - « fait de nature, dont l'interprétation a été un fait de culture » (Ndiaye, 2006) - en abordant selon des approches historiques, culturelles et sociales les albums illustrés mettant en scène des personnages de couleur de peau noire (Francis, 2015, 2016 ; Thiery et Francis, 2015).

Cette communication exposera tout d'abord les études qui soulignent les évolutions de la littérature pour la jeunesse, notamment la tendance relativement récente qui la situe dans une visée de questionnement du monde et de questions sociales vives autrefois taboues (Escarpit, 2008) en vue de former à l'éducation à la diversité (Vandenbroeck, 2005), aux valeurs de justice et de solidarité. Elle examinera cette question à partir d'un album illustré d'Antoine Guilloppé intitulé Little Man[1] en s'attachant au personnage principal, un garçon de couleur noire, à ses contextes de vie présent et passé, aux symboles - en tant qu'objets ou situations - qui caractérisent le récit.

Comment les enfants abordent-ils cet album ? Quels regards portent-ils sur le personnage principal, sur son histoire passée marquée par la violence de la guerre et l'exil, sur sa place dans la ville et la société d'accueil, sur son avenir ? Le contenu de l'ouvrage fait-il écho à des situations qui sont connues des élèves, au contexte social actuel marqué par les migrations, par l'exode de populations ou encore aux défis posés par l'intégration ? La méthodologie de la recherche repose sur le recueil, en milieu scolaire, d'un double corpus, écrit et oral, collecté à partir de questionnaires et de discussions à visée philosophique. L'étude concerne quatre classes d'enfants âgés de 10-11 ans scolarisés dans des établissements publics de milieu urbain aux populations contrastées.

L'analyse du corpus permettra de faire apparaître la réception de l'album par les élèves au niveau individuel tout d'abord, puis au niveau collectif. Elle mettra en évidence les compétences des enfants notamment dans la co-construction des problématiques associées à l'exil, à l'intégration, aux discriminations et à leur prévention.

Cette recherche soulignera les modalités par lesquelles la lecture partagée et la discussion à visée philosophique constituent des leviers pour questionner les valeurs de justice, de solidarité, et pour aborder, comme le soulignent les nouveaux programmes pour l'école élémentaire, les défis d'une formation à la citoyenneté intégrant l'éducation à la diversité.

Références bibliographiques 

Escarpit, D. (2008). La littérature de jeunesse : itinéraires d'hier à aujourd'hui. Paris : Magnard.

Francis, V. (2015). Estereótipos e discriminação étnico-racial em e através dos livros ilustrados infanto-juvenis. Reveduc, Vol. 9 N°2, pp. 115-159. http://www.reveduc.ufscar.br/index.php/reveduc

Ndiaye, P. (2006). Questions de couleur. Histoire, idéologie et pratiques du colorisme (pp. 45-62). In Fassin D. & Fassin E. (dir.) De la question sociale à la question raciale. Représenter la société française. Paris : La Découverte.

Prince, N. (2011). La littérature de jeunesse. Paris : Armand Colin.

Thiery, N. et Francis, V. (2015). Figures et représentations de l'enfant noir dans les albums de littérature pour la jeunesse. Spiral-E - Revue de Recherches en Éducation. N°55, pp. 39-57. http://spirale-edu-revue.fr/IMG/pdf/spiral-e_2015_thiery_et_francis.pdf

Vandenbroeck, M. (2005). Eduquer nos enfants à la diversité sociale, culturelle, ethnique, familiale. Ramonville Sainte-Agne : Eres.