4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Interactions tutorales productives et formatives : des investissements réciproques
Long Pham Quang  1, *@  
1 : Responsable pédagogique à l'AP-HP et docteur en sciences de l'éducation, Centre de Recherche sur la Formation  (Cnam-CRF)
Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM)
41 rue Gay Lussac, 75005 Paris -  France
* : Auteur correspondant

Résumé : Cette communication souhaite contribuer aux différentes études portant sur le processus d'apprentissage en situation tutorale en milieu de travail. L'objectif est de mieux comprendre, du point de vue de l'interaction tutorale, comment faire d'un espace de travail un espace de formation.

Le tutorat est fortement conditionné par la situation de travail (par exemple Sannino, Trognon, Dessagne & Kostulski, 2001), appréhendé comme fonction, le tutorat est plus ou moins reconnu, plus ou moins organisé (Kunégel, 2011). Dans cette perspective, les interactions entre tuteur et stagiaire en situation de travail (avec la notion de Workplace Learning développée notamment par Billett, 2001) peuvent constituer des espaces potentiels d'apprentissage (Mayen, 2000), mais à quelles conditions ces espaces potentiels d'apprentissage peuvent-ils effectivement se constituer ? Pour essayer de répondre à la question, nous choisissons d'entrer par l'analyse des interactions tutorales telles qu'elles se déploient en situation de travail (Rémery & Markaki, 2016), et en particulier en identifiant leurs variations selon, notamment, ce sur quoi porte les verbalisations, les possibles configurations d'adressage et le jeu des corporéités (avec notamment la notion d'analyseur corporel développée par Cosnier, 1994) mis en œuvre.

La question de recherche peut s'énoncer de la manière suivante : en quoi les interactions développées entre tuteur et stagiaire dans et par le travail peuvent également se constituer en interactions constructives du point de vue du processus d'apprentissage ? Dans cette perspective, nous reprenons à notre compte, avant de les discuter, les notions de dimension productive et dimension constructive (Rabardel, 2005) que nous tentons d'appliquer aux interactions tutorales.

Le champ empirique choisi est celui d'agents de chambres mortuaires hospitalières en situation d'interaction tutorale autour de tâches de travail. L'unité d'analyse retenue est la dyade tutorale À partir d'une analyse de l'activité de trois binômes tuteur-stagiaire, une approche interactionnelle et multimodale est retenue. Les méthodes de recherche sont de type qualitatif et ethnographique. Le matériau empirique est recueilli à partir de deux sources : des observations enregistrées d'interactions tutorales situées sur le lieu de travail ; des entretiens réalisés à distance en utilisant l'auto-confrontation à partir de traces d'activités filmées.

Les résultats obtenus montrent que l'espace de formation émerge de l'espace de travail que nous pensons pouvoir rendre compte par l'identification d'investissements différents de la part des sujets lors de leurs interactions situées. Nous avançons ainsi l'hypothèse selon laquelle chacun de ces espaces se caractérise par la distribution de rôles sociaux différents et produisant, ce que nous avons appelé, des interactions tutorales plutôt productives ou des interactions tutorales plutôt formatives.

Regard réflexif sur la question de recherche :
Notre question de recherche a émergé à partir de deux types de questionnements principaux. Ce n'est pas parce que le sujet se trouve en situation de travail qu'il l'apprend automatiquement (fort enjeu prescriptif social), et donc comment peut-on l'apprendre ? Par ailleurs, quand il y a eu apprentissage, qui le dit, le tuteur, le stagiaire ou encore le chercheur ? Les trois ? (fort enjeu évaluatif social). Ces questions ont été fortement mobilisatrices pour l'écriture de cet article.

Références bibliographiques :

Billett, S. (2001). Learning in the workplace : strategies for effective practice. Crows Nest : Allen & Unwin.

Cosnier, J. (1994). Psychologie des émotions et des sentiments. Paris : Nathan-Retz.

Kunégel, P. (2011). Les maîtres d'apprentissage. Analyse des pratiques tutorales en situation de travail. Paris : L'Harmattan.

Mayen, P. (2000). Interactions tutorales au travail et négociations formatives. Recherche et Formation (pp. 59-73), n° 35. Paris : Institut national de recherche pédagogique.

Rabardel, P. (2005). Instrument, activité et développement du pouvoir d'agir. In P. Lorino & R. Teulier (Eds.), Entre connaissance et organisation : l'activité collective. L'entreprise au défi de la connaissance (pp. 251-265). Paris : Éditions La découverte.

Rémery, V. & Markaki, V. (2016). Travailler et former : l'activité hybride des tuteurs. Éducation permanente, n°206, « Le tutorat aujourd'hui », coordonné par S. Mahlaoui et A.-L. Ulmann. (À paraître).

Sannino, A., Trognon, A., Dessagne, L. & Kostulski, K., (2001). Les connaissances émergeant d'une relation tuteur-apprenti sur le lieu de travail. Bulletin de psychologie (pp. 261-273), 54(3).



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