Comme le soulignent Verschaffel, Greer & Van Dooren (2008, p.588) « (...) les évolutions de la fin du XXe siècle ont rendu plus urgent le besoin d'un niveau de littéracie fort, comprenant la capacité à rassembler et interpréter de nouvelles informations, à évaluer des situations complexes, à identifier et résoudre des problèmes ». Au niveau des mathématiques, cela s'est traduit par un accent prononcé mis sur la résolution de problèmes. Cependant, les scores aux épreuves tant nationales qu'internationales montrent que la résolution de problèmes constitue une réelle pierre d'achoppement pour les élèves.
En cause, l'usage par les élèves de stratégies de résolution superficielles (Fagnant & Demonty, 2004 ; Houdement, 2011). Afin de pallier à ces faibles performances, les chercheurs se sont penchés sur « ce que requiert l'expertise en résolution de problèmes » et s'accordent sur une maîtrise conjointe de connaissances, d'heuristiques et de stratégies de régulation tant cognitive, motivationnelle, qu'émotionnelle (De Corte & Verschaffel, 2005).
Si plusieurs programmes mettant l'accent sur les dimensions cognitive et métacognitive de l'apprentissage – tels que IMPROVE (Mevarech & Zemira & Amrany, 2008) ; SOLVED (Hohn & Frey, 2002) ; et le « metacognitive model for solving mathematical application problems » (Verschaffel et al., 2000) –ont vu le jour, ces derniers occultent la dimension émotionnelle de l'apprentissage.
La présente étude vise à étoffer la littérature à ce sujet en mesurant les effets d'un dispositif cognitif et métacognitif en résolution de problèmes, sur la dimension émotionnelle, la persévérance et les performances. Nous souhaitons également savoir si l'intervention proposée bénéficie tant aux élèves « faibles » qu'aux élèves « forts[1] » en mathématiques.
Le dispositif a été testé auprès de 232 élèves issus d'établissements scolaires répartis dans les différentes provinces de Belgique francophone. Les données ont été recueillies au moyen de questionnaires.
Les résultats indiquent que les élèves ayant bénéficié de l'intervention mobilisent significativement plus les heuristiques de résolution ; persévèrent davantage dans la tâche et affichent de meilleures performances en résolution de problèmes comparativement aux élèves du groupe contrôle. En ce qui concerne les stratégies de régulation émotionnelles, il apparaît que les élèves ayant suivi le dispositif intériorisent davantage leurs émotions et recherchent moins d'aide après l'intervention, comparativement à leurs pairs du groupe contrôle. Notons également que l'intervention cognitive et métacognitive dispensée a des effets positifs tant pour les élèves « faibles » que pour les élèves « forts » en résolution de problèmes.
Regard réflexif sur la question de recherche
La recherche portant sur la mise en place d'un dispositif cognitif et métacognitif auprès d'enfants du primaire émerge d'un constat sociétal mettant en avant de faibles performances chez nos élèves et d'un besoin des acteurs du terrain. Quels effets du dispositif proposé ? Comment intégrer la métacognition dans les pratiques de classe? Comment enseigner la compétence « résoudre un problème » ? sont autant de questions auxquelles nous tenterons d'apporter des éléments de réponse afin d'étayer cette double préoccupation.
Références
De Corte, E. & Verschaffel, L. (2005). Apprendre et enseigner les mathématiques: un cadre conceptuel pour concevoir des environnements d'enseignement-apprentisage stimulants. In M. Crahay, L. Verschaffel, E. De Corte & J. Grégoire (Eds.), Enseignement et apprentissage des mathématiques: que disent les recherches psychopédagogiques? (pp.25-54). De Boeck Supérieur : Bruxelles.
Fagnant, A. & Burton, R. (2009). Développement de compétences en résolution de problèmes en mathématiques à l'école primaire : pratiques déclarées des enseignants et pratiques projetées des futurs enseignants. Scientia paedagogica experimentalis, 46(2), 293-318.
Fagnant, A.& Demonty, I.(2004). Résoudre des problèmes : pas de problèmes ! Présentation d'un outil méthodologique à l'usage des enseignants de cinquième et sixième années de l'enseignement primaire , Bulletin d'informations pédagogiques, 56, 1-21.
Gamo, S., Taabane, L., & Sander, E. (2011). Rôle de la nature des variables dans la résolution de problèmes additifs complexes. L'Année Psychologique, (111), 613-640.
Hohn, R. & Frey, B. (2002). Heuristic training and performance in elementary mathematical problem solving. The Journal of Educational Research, 95(6), 374-380.
Houdement, C. (2011). Connaissances cachées en résolution de problèmes arithmétiques ordinaires à l'école. Annales de Didactique des Sciences cognitives, (16), 67-96.
Mevarech, Z. & Amrany, C. (2008). Immediate and delayed effects of meta-cognitive instruction on regulation of cognition and mathematics achievement. Metacognition and Learning, 3(2), 147-157.
Verschaffel, L., Greer, B. & De Corte, E. (2000). Making sense of word problems. Lisse, Hollande : Swets & Zeitlinger.
Verschaffel, L., Greer, B. & Van Dooren, W. (2008). La résolution de problèmes. In A.Van Zanten (Ed.), Dictionnaire de l'éducation (pp 588-590). Paris : P.U.F., Presses universitaires de France.
[1]Ces deux profils d'élèves ont été définis comme tels sur base des performances au prétest, les élèves présentant un score moyen inférieur à 0.5 ont été qualifiés de « faibles » tandis que ceux présentant une note moyenne supérieure à 0.8 ont été qualifiés de « forts ».