L'utilisation des outils numériques à l'Université est aujourd'hui un axe de développement important. Mené par une équipe pluri-disciplinaire (sciences de l'éducation, sciences du langage, sciences de l'information et de la communication) au sein de la MSH-Lorraine, le projet Savoirs Universitaires Médiatisation Technologique et pratiques des Enseignants-Chercheurs (SUMTEC) s'interroge sur la médiatisation technologique du savoir universitaire et en particulier sur la construction et l'accès aux savoirs universitaires et sur les pratiques pédagogiques et communicationnelles liées à l'usage des technologies de l'information et de la communication (TIC).
Au sein de ce projet, dans lequel ont été menés 56 entretiens avec des collègues enseignants-chercheurs de sciences humaines et sociales, nous nous sommes particulièrement intéressée aux représentations que les enseignants ont de la place et du rôle dans leurs pratiques pédagogiques des différents outils numériques qu'ils peuvent utiliser. Cette étude, parfois complexe à mener, a obligé l'équipe à s'interroger en permanence sur son propre positionnement. Interroger ses pairs sur leurs pratiques d'enseignement qui renvoient nécessairement à ses propres pratiques, a nécessité de porter une attention toute particulière à la distance épistémologique à adopter.
Plusieurs résultats seront présentés dans le cadre de ce symposium. D'abord, le savoir que les enseignants-chercheurs interrogés cherchent à transmettre à leur étudiant bénéficierait, grâce aux outils numériques qu'ils utilisent, d'une mise en forme plus « sexy », qui faciliterait sa transmission. Si les enseignants interrogés peuvent imaginer des formes de médiation des connaissances différentes, ils se déclarent incompétents techniquement à les mettre en œuvre et ces outils laissent entrevoir, avec regret, des horizons d'attente encore non explorés.
Ensuite, le recours aux outils numériques permettrait aux enseignants-chercheurs de faciliter pour les étudiants l'accès aux données qui concernent le cours. Envoyer un lien vers un document écrit ou filmé ou transmettre directement un texte évite aux étudiants de perdre du temps à les chercher eux-mêmes. En supprimant cette partie de travail aux étudiants, les enseignants pensent leur laisser plus de temps pour la réflexion sur ces documents. Ce travail de facilitation se réalise aussi en cours où beaucoup d'enseignants préfèrent que les étudiants se concentrent sur leurs explications, leurs analyses d'un document complexe par exemple que sur la copie dudit document. En leur fournissant le document en amont ou en aval, en les rassurant sur le fait qu'ils leur fourniront, les enseignants souhaitent libérer du temps pour que puisse se mettre en œuvre la pensée réflexive de leurs étudiants.
Enfin, cet accès facilité des étudiants aux documents n'est pas sans poser, pour autant, d'autres questions complexes à gérer pour les enseignants. S'ils mettent l'ensemble de leur cours en ligne, quelle légitimité y aurait-t-il encore à « faire cours » ? La représentation de la fonction enseignante, dans sa prédominance d'oralité, est alors bousculée pour les enseignants, qui se sentent déstabiliser dans leur identité professionnelle.
En conclusion, nous verrons également que ces questions entrent parfois partiellement ou beaucoup plus fortement en résonnance avec les questions liées à nos propres pratiques pédagogiques et à notre propre identité professionnelle, nous confortant parfois dans certaines de nos représentations ou, au contraire, en nous permettant de les mettre à distance.
- Poster