La recherche relatée dans ce symposium est née de la demande conjointe d'une équipe enseignante d'une école élémentaire – située dans le quartier populaire du Château-Rouge dans le 18ème arrondissement de Paris – de travailler avec des chercheurs, et d'une équipe de chercheurs d'étudier les pratiques d'écoles « différentes »[1].
Cette recherche collaborative[2] (Bourassa & Boudjaoui, 2012 ; Bednarz, 2013 ; Desgagné, 1997 ; Desgagné et al., 2001 ; Monceau, 2005) qui s'étendant sur quatre années a une finalité commune aux enseignants et aux chercheurs : co-produire des connaissances à partir des pratiques de l'école, en étudiant – éventuellement en évaluant – ces pratiques. La visée de recherche prime donc sur les intentions de formation et de transformation des pratiques, bien que ces dernières puissent être des conséquences du processus de recherche. Dans cette démarche, enseignants et chercheurs s'accordent sur le projet de recherche, lors de la phase de contractualisation comme lors de la présentation des résultats au cours des restitutions, en s'interrogeant également sur ses dimensions institutionnelles. La détermination des objets de recherche, l'organisation matérielle du recueil de données, leur collecte effective et leur analyse correspondent à des tâches partagées. Pour autant, les rôles ne sont pas confondus : l'ingénierie de l'étude est de la responsabilité des chercheurs, celle de la conduite de classe appartient aux enseignants. Cependant, les chercheurs et les enseignants s'associent pour passer d'une logique de recherches « sur » à des pratiques de recherches « avec »[3], en créant un partenariat pour penser, construire, conduire et analyser la démarche globale de recherche.
Après une première année occupée par la contractualisation du projet de recherche, l'année 2014-2015 a été consacré au recueil de données, à partir des trois axes retenus dans le projet : les pratiques de français et la coopération entre élèves dans les classes ; le travail en équipe ; les relations enseignant/élèves dans la classe et enseignants/élèves dans l'école. Une restitution des premiers résultats par l'équipe des chercheurs à celle des enseignants a également été effectué, qui concerne les deux premiers axes du projet. Ce sont ces résultats que nous présenterons dans les trois communications du symposium, en cherchant à interroger, à décrire, à comprendre les pratiques des enseignants dans les classes d'une part, articulées au fonctionnement d'ensemble de l'équipe enseignante d'autre part. Nous nous efforcerons de mettre en évidence des complémentarités entre nos analyses, mais aussi des interrogations que les pratiques étudiées suscitent dans une perspective de poursuite de la recherche collaborative.
La première communication analyse selon un regard croisé, didactique et pédagogique, un dispositif de co-enseignement portant sur la production écrite de devinettes dans une classe de cycle 2. Elle étudie ce que deviennent les contenus d'enseignement selon quatre aspects : la construction et la régulation de la séquence par les enseignantes ; l'objet au centre de la séquence ; la séquence et son déroulement ; les objets de préoccupation didactiques et pédagogiques. La seconde communication étudie les organisations construites, les manifestations induites chez les élèves et les enseignants, enfin les effets potentiels des situations coopératives entre élèves dans les classes de cycle 2 et 3. Quant à la troisième communication, elle interroge les modalités de coopération de l'équipe enseignante pour initier et faire vivre l'innovation pédagogique dans cette école, selon quatre dimensions : l'historicité, la signification, le caractère systémique, la normativité.
Un exposé introductif présentera le projet. Chaque communiquant exposera ensuite son étude durant une quinzaine de minutes, en montrant aussi en quoi elle apporte un éclairage complémentaire des deux autres. Puis les autres communicants (qui auront lu au préalable l'ensemble des textes) interviendront, suivis des participants au symposium.
[1] La dénomination de « pédagogies différentes » (Viaud, M.-L. (2005). Des collèges et lycées différents. Paris : PUF) renvoie à des pratiques mises en œuvre dans des écoles et des établissements de tous les niveaux scolaires, repérées dans le paysage éducatif comme « alternatives », « expérimentales » ou se réclamant de courants identifiables des pédagogies dites « nouvelles ». Leurs traits communs sont bien connus (Palmade, G. (1953). Les méthodes en pédagogie. Paris : PUF).
[2] Bednarz, N. (dir.) (2013). Recherche collaborative et pratique enseignante. Regarder ensemble autrement. Paris : L'harmattan ; Bourassa, B., & Boudjaoui, M. (2012). Des recherches collaboratives en sciences humaines et sociales (SHS) : enjeux, modalités et limites. Laval : Presses de l'Université de Laval ; Desgagné, S. (1997). Le concept de recherche collaborative : l'idée d'un rapprochement entre chercheurs universitaires et praticiens enseignants. Revue des sciences de l'éducation, XXIII, 2, 371-393 ; Desgagné, S., Bednarz, N., Lebuis, P., Poirier, L., & Couture, C. (2001). L'approche collaborative de recherche en éducation : un rapport nouveau à établir entre recherche et formation. Revue des sciences de l'éducation, XXVII, 1, 2001, 33-64 ; Monceau, G. (2005). Transformar as práticas para conhecê-las: pesquisa-ação e profissionalização docente (Transformer les pratiques pour les connaître : recherche-action et professionnalisation enseignante), Revista Educação e Pesquisa, vol. 31, nº 3, 467-482 (1-16).
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