Les terminaux mobiles (smartphones, tablettes numériques,...) sont devenus communs. De plus en plus complets technologiquement, ils ont intégrés de nombreux capteurs (gyroscope, accéléromètre, compas électronique, pression,...) et des caméras, permettant d'imaginer et d'explorer de nouvelles techniques d'interactions. De nombreuses institutions scolaires et de nombreux enseignants y ont vu un potentiel pédagogique intéressant et ont commencé à développer des stratégies éducatives centrées sur ces terminaux. Les « stores » dédiés à ces nouveaux périphériques ont rapidement proposé de nombreuses applications éducatives. Cependant, on ne trouve que difficilement des applications permettant de travailler sur la géométrie dans l'espace qui est pourtant l'un des domaines des mathématiques les plus difficiles à appréhender pour les élèves. L'une des raisons principales, dans le cas de l'utilisation du numérique, est sans doute la difficulté d'interagir sur un espace tridimensionnel à partir de périphériques qui sont presque toujours bidimensionnels.
Dans cette communication, nous nous focalisons sur l'impact des interactions dans le processus d'apprentissage. En nous basant sur les grands modèles cognitifs de la structuration de l'espace (Piaget, 1948 ; Duval, 2005 ; Houdemont et Kuzniak, 2006 ; Parzysz, 1993) et sur une approche centrée sur l'utilisateur (Oviatt, 2006), nous avons d'abord proposé une grammaire d'interactions adaptée à de jeunes apprenants. Nous avons ensuite évalué l'acceptabilité, la facilité d'utilisation et d'apprentissage de nos interactions. Ces nouvelles interactions permettent par ailleurs d'envisager et d'explorer de nouvelles tâches qui n'étaient jusque là pas réalisables et donc de nouvelles voies d'apprentissage de la géométrie dans l'espace. Enfin, nous avons étudié in situ l'apport pédagogique de l'introduction de tablettes numériques équipées d'une application (FINGERS) basée sur notre grammaire.
Nous constatons qu'en utilisant un ensemble d'interactions adapté, les élèves manipulent, observent et modifient des scènes 3D de manière intuitive. De plus, l'utilisation d'une telle application comme élément complémentaire des pratiques pédagogiques traditionnelles a montré un apport significatif lors de l'apprentissage de la géométrie dans l'espace dans des classes de primaire (enfants de 9-10 ans). Ces évaluations écologiques ont aussi mis en avant la complémentarité de l'utilisation de notre système avec les méthodes traditionnelles d'enseignement, facilitant ainsi le passage de l'espace réel (3D) vers sa représentation plane (2D) par l'intermédiaire d'un passage en deux dimensions et demi (2D½). Il est apparu, chez des adultes, que la charge cognitive en utilisant FINGERS pendant la résolution de problèmes complexes est significativement moins importante qu'en utilisant les autres outils. Ce dernier point, nous ouvre de nouvelles perspectives d'explication concernant le gain pédagogique apporté par notre système.
Chaachoua, H. (1997). Fonctions du dessin dans l'enseignement de la géométrie dans l'espace. Etude d'un cas : la vie des problèmes de construction et rapports des enseignants à ces problèmes. Thèse de doctorat, Université Joseph Fourier, Grenoble.
Chanquoy L, Tricot A, Sweller J (2007) La charge cognitive. Paris: A. Colin.
Colmez F. & Parzysz B. 1993. Le vu et le su dans l'évolution des dessins de pyramides du CE2 à la 2nd. In Bessto A., Verillon P. & Balacheff N., Espaces graphiques et graphismes d'espaces. La pensée sauvage editions, 35-55.
Duval, R. (2005). Les conditions cognitives de l'apprentissage de la géométrie : développement de la visualisation, différenciation des raisonnements et coordination de leurs fonctionnements. Annales de Didactique et de Sciences Cognitives, 10: 5 – 53.
Hinrichs U. and Carpendale S. 2011. Gestures in the wild: studying multi-touch gesture sequences on interactive tabletop exhibits. In Proceedings of the SIGCHI Conference on Human Factors in Computing Systems (CHI '11). ACM, New York, NY, USA, 3023-3032.
Houdement, C. et Kuzniak, A. (2006). Paradigmes géométriques et enseignement de la géométrie. Annales de Didactique et de Sciences Cognitives, 11: 175 – 193.
Kuzniak A. (2006) Paradigmes et espaces de travail géométriques. Éléments d'un cadre théorique pour l'enseignement et la formation des enseignants en géométrie, Canadian Journal of Science, Mathematics and Technology Education, 6.2, 167- 187.
Mithalal, J. (2010). Déconstruction instrumentale et déconstruction dimensionnelle dans le contexte de la géométrie dynamique tridimensionnelle. Thèse de doctorat, Université Joseph Fourier, Grenoble.
Oviatt S., “Human-centertred design meets cognitive load theory: Dsigning interfaces that help people think”, MM'06, October 23-27, 2006, Santa-Barbara, California, USA.
Parzysz, B. (1988). “knowing” vs “seeing”, problems of the plane representation of space geometry figures. Educational Studies in Mathematics, 19: 79 – 92.
Parzysz B. 1989. Représentations planes et enseignement de la géométrie de l'espace au lycée. Contribution à l'étude de la relation voir/savoir. Thèse. Paris : Université Paris-7.
Parzysz, B. (1991). Espace, géométrie et dessin. Une ingénierie didactique pour l'apprentissage, l'enseignement et l'utilisation de la perspective par- allèle au lycée. Recherches en Didactique des Mathématiques, 11(2.3): 211 – 240.
Parzysz, B. (2006). La géométrie dans l'enseignement secondaire et en formation de professeurs des écoles : de quoi s'agit-il ? Quaderni di Ricerca in Didattica, 17: 121 – 144.
Piaget J. et Inhelder B. 1948. The Child's Conception of Space. New York: W. W. Norton.
Sweller, J. (1988). Cognitive load during problem solving: Effects of learning. Cognitive Science, 12, 257-285.
- Présentation