La question des rapports entre « éducation » et « travail » sollicite plusieurs modes d'approche puisqu'elle peut concerner aussi bien les relations entre système éducatif et système productif, analysées du point de vue des politiques publiques, les processus de construction des titres professionnels et de leurs référentiels, centrés sur des activités et des compétences identifiées à partir des emplois, que les relations entre diplômes et qualifications professionnelles sur le marché du travail (Paul & Rose, 2008). Les deux termes mobilisés dans cette mise en relation renvoient chacun à une myriade d'objets sociaux et scientifiques, dont les chercheurs s'emparent différemment (Trottier, 2005, Tanguy, 2005). Système éducatif, formation, diplôme, certification, curriculum désignent ainsi « l'éducation », tandis que le « travail » englobe ce qui relève de l'emploi, du contenu de l'activité, de la classification ou encore des compétences. Le caractère non exhaustif de ces listes montre l'étendue des recherches possibles.
Si la connaissance s'est beaucoup accumulée sur l'articulation entre « éducation » et « travail », elle apparaît néanmoins segmentée et fortement marquée par l'actualité. L'activisme des politiques publiques contribue à les alimenter, en raison par exemple de l'importance accordée à la formation et à la certification professionnelles comme solutions au chômage et à la précarité (Maillard, 2012). Le mouvement permanent de réforme que subissent la voie professionnelle et l'enseignement supérieur concourt à cet intérêt. Toutefois, si les recherches abondent, elles se méconnaissent volontiers. Les objets traités peuvent en outre être considérés comme des objets frontières par les disciplines, ce qui situe parfois les recherches menées dans des espaces académiques intersticiels. S'intéresser en même temps à l'éducation et au travail fait en effet sortir des périmètres consacrés et ne favorise pas la visibilité ni la reconnaissance des résultats produits.
Pour circonscrire le champ de la réflexion, cette contribution portera « seulement » sur trois grands axes de recherche, à partir de travaux pluridisciplinaires principalement français. Je reviendrai en premier lieu sur la manière dont les chercheurs abordent les questions relatives aux liens entre emploi et formation lorsqu'ils s'intéressent aux politiques d'éducation, comme celles qui ont cours dans l'enseignement supérieur ou dans la voie professionnelle du système éducatif (Charles, 2014). Puis j'évoquerai les travaux qui s'intéressent aux modes d'élaboration des diplômes professionnels, dont le travail et l'emploi sont (a priori) constitutivement la cible (Möbus & Verdier, 1997). J'aborderai ensuite les approches qui s'intéressent aux référentiels, à l'activité et aux compétences, à l'origine d'une production très foisonnante depuis quelques années (Chauvigné et Lenoir, 2010 ; Prot, 2014). Quelques manques thématiques restent cependant à combler, ce que je soulignerai en conclusion.
Références bibliographiques
Charles, N. (2014). « Quand la formation ne suffit pas : la préparation des étudiants à l'emploi en Angleterre, en France et en Suède ». Sociologie du travail, 56-3.
Chauvigné, C., et Lenoir, Y. (2010). « Les référentiels de formation : enjeux, légitimité, contenus et usages ». Recherche et Formation, 64, 9-14.
Maillard, F., dir. (2012). Former, certifier, insérer. Effets et paradoxes de l'injonction à la professionnalisation des diplômes. Rennes : Presses universitaires de Rennes.
Möbus,M., et Verdier, E., dir. (1997). Les diplômes professionnels en Allemagne et en France. Construction et jeux d'acteurs. Paris : L'Harmattan.
Paul, J.-J., et Rose, J., dir. (2008). Les relations formation-emploi en 55 questions. Paris : Dunod.
Prot, B., dir. (2014). Les référentiels contre l'activité. En formation, gestion, certification. Toulouse : Octarès.
Tanguy, L. (2005). « De l'éducation à la formation, quelles réformes ? ». Education et Sociétés, 16, 99-122.
Trottier, C. (2005). « L'analyse des relations entre le système éducatif et le monde du travail en sociologie de l'éducation : vers une recomposition du champ d'études ? ». Education et Sociétés, 16, 77-97.