4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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Quelles formes de transmission professionnelle pour quels types d'apprentissage ? Une enquête auprès d'agriculteurs et d'apprenants interagissant au travail 
Fanny ChrÉtien  1, *@  
1 : Maître de Conférence, Laboratoire Développement Professionnel et Formation/ Institut Eduter Recherche
Agrosup Dijon
Champs Prévois, 26, Bd Docteur Petitjean BP 87999 - 21079 Dijon Cedex -  France
* : Auteur correspondant

Résumé :

Un grand nombre de travaux de recherche, en particulier ceux des anthropologues, des didacticiens et des pédagogues (Berliner, 2010 ; Brousseau, 1990 ; Chevallard, 1997 ; Meirieu, 2010), se sont intéressés à la transmission des savoirs et aux conditions par lesquelles elle facilite ou non des processus d'acquisition. Pour autant, nous restons relativement démunis devant la question des apprentissages produits dans les milieux professionnels. Quelques travaux majeurs traitent néanmoins des conditions apprenantes des organisations professionnelles (voir par exemple Fernagu-Oudet, 2012). Par ailleurs, le courant américain du Workplace Learning s'attache à décrire les conditions sociales et individuelles qui, dans leurs dialogues, permettent le développement d'apprentissages professionnels. A partir de certains de ces travaux, notamment les écrits de S. Billett, cette communication rend compte des résultats théoriques issus d'une recherche sur les modes de transmission engagés dans les interactions entre agriculteurs et apprenants dans des fermes agrobiologiques. L'objectif de cette communication est double : i) illustrer comment la nature des engagements des personnes et des configurations sociales de leurs rencontres jouent dans le potentiel qu'offre les interactions de transmission dans les exploitations agricoles en matière de développement professionnel ; ii) montrer que l'analyse des contenus échangés lors des interactions verbales est une des conditions nécessaires pour caractériser précisément les points clés du métier qui sont emblématiques ou difficiles à apprendre. Par ailleurs, nous tâcherons de réfléchir au fait que pour certains métiers en changement ou soumis à de fortes incertitudes (comme peut l'être le métier d'agriculteur), cette condition d'accès, par les interactions verbales, aux effets de la transmission en termes d'apprentissage, n'est pas suffisante. L'enquête le montre sur au moins deux aspects. Le premier a trait au fait que certaines conceptualisations du vivant s'inscrivent dans une temporalité qui dépasse l'échange relatif à l'activité en train de se faire. L'expérience d'une saison agricole prise dans les logiques productives et culturelles de l'exploitation constitue, par exemple, une dimension incontournable de l'acquisition des compétences de métier, qui ne peut se révéler dans la seule immédiateté de l'échange. Le deuxième aspect concerne les raisons pour lesquelles l'apprenant et le tuteur vont interpréter, hiérarchiser ou se concentrer sur une information plutôt qu'une autre dans les échanges professionnels. Ces raisons, certes potentiellement très diverses, ne sont pas indépendantes de la position des interactions dans l'histoire de la rencontre et dans celle des itinéraires professionnels. La façon dont l'avenir est invité dans l'interaction a de fortes chances de guider la prise d'information et le contenu des échanges.

Cette recherche est issue d'un travail de thèse dont la problématique s'est construite de façon exploratoire sans qu'aucun ancrage théorique préliminaire n'ait été très marqué. Il est néanmoins rapidement devenu nécessaire de trouver des cadres permettant d'instruire les contenus de métier pouvant faire l'objet d'apprentissage tout en se présentant comme difficile à l'apprenant et résistant à la transmission. Une réorientation partielle depuis une approche anthropologique vers une démarche de didactique professionnelle est alors apparue bénéfique en ce sens. Les approches de départ n'ont pas non plus été complètement abandonnées puisque l'analyse du travail par la didactique professionnelle a été enrichie par des concepts de sociologies pragmatiques (Thévenot, 2006), et par une modélisation des conditions de transmission inspirée du concept de configuration (Elias, 1978). Les résultats présentés ont été obtenus à partir de deux types de corpus : le premier comporte une série d'interactions de transmission enregistrée, retranscrites et analysées de façon thématique à partir des cadres sociologique et didactique énoncés précédemment ; le deuxième constitue un ensemble d'entretiens menés au cours de l'immersion sur le terrain (entre une et deux semaines de présence sur le lieu de transmission), auprès des apprenants et tuteurs concernés, à propos des situations d'interaction étudiées et des du contexte de tutorat.

Références bibliographiques :

Berliner, D. (2010). Anthropologie et transmission. Terrain, 55, 4-19.

Billett, S. (2001). Learning in the workplace : strategies for effective practice. Crows Nest NSW: Allen & Unwin.

Brousseau, G. (1990). Le contrat didactique : le milieu. Recherches en Didactique des Mathématiques, 9(3), 309 - 336.

Chevallard, Y. (1997). Les savoirs enseignés et leurs formes scolaires de transmission : un point de vue didactique. Acte du colloque international "Savoirs scolaires, interactions didactiques et formation des enseignants", Marseille.

Chrétien, F. (2015). Agriculteurs et apprenants au travail. La transmission professionnelle dans les exploitations agrobiologiques : une approche par les configurations sociales et les situations d'interaction. Thèse de Doctorat, Université de Bourgogne, Dijon.

Chrétien, F. (2014). Travailler avec des bêtes, des humains, des champs et des légumes : le cas d'un collectif installé en agriculture biologique. In P. Mayen & A. Lainé (Eds.), Apprendre à travailler avec le vivant. Développement durable et didactique professionnelle (pp. 237-261). Dijon : Ed. Raison et Passions.

Chrétien, F. (2014). Apprendre et se tester comme agriculteur biologique : ce qui se joue dans les situations interactionnelles de tutorat avant installation. In A. Cardona, F. Chrétien, B. Leroux, F. Ripoll & D. Thivet (Eds.), Agricultures Biologiques. Dynamiques d'appropriation et effets de contexte. Dijon : Quae-Educagri.

Chrétien, F. (2014). La relation de tutorat dans les espaces-test agricoles : une mise à l'épreuve de l'apprendre et du transmettre. Travail et Apprentissages, 13, 51-72.

Chrétien, F., & Olry, P. (2014). Le travail, le transmettre et l'approprier dans les exploitations de maraichage biologique. In R. Wittorski (Ed.), Transmettre au travail.

Chrétien, F. (2013). Analyser une transmission professionnelle en acte dans les phases d'installation d'agriculteurs. Travail et Apprentissages, 11, 110-135.

Chrétien, F. (2013). La transmission professionnelle en agriculture biologique, ou comment à la fois se comprendre et apprendre. Innovations Agronomiques, 32, 297-316.

Élias, N. (1978). What is sociology? Columbia: University Press.

Fernagu-Oudet, S. (2012). Favoriser un environnement capacitant dans les organisations. In Bourgeois & Durand, Apprendre au travail (pp. 201-213). Paris : PUF.

Meirieu, P. (2010). Autorité et transmission : quels enjeux ? Acte des Assises de la Parentalité MILDT, Paris

Mayen, P., & Lainé, A. (2014). Apprendre à travailler avec le vivant. Développement durable et didactique professionnelle. Dijon : Editions Raison et Passions.

Pastré, P. (2011). La didactique professionnelle. Approche anthropologique du développement chez les adultes. Paris : PUF.

Thévenot, L. (2006). L'Action au pluriel. Sociologie des régimes d'engagement. Paris: La Découverte.

 



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