4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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Le vécu du geste intracorporel dans la relation infirmière-malade
Cécile Pouteau  1@  
1 : Conservatoire national des arts et métiers - centre de recherche sur la formation  (Cnam Crf Paris)  -  Site web
Ministère de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique
Cnam, CRF, 2, rue Conté, 75003 PARIS -  France

Résumé

 

Cette communication porte sur les interactions qui se jouent, plus particulièrement lorsqu'une infirmière réalise un geste intrusif sur un malade. Notre recherche doctorale vise à questionner le travail émotionnel mené par cette dernière au regard de ses représentations et valeurs ainsi que des règles professionnelles implicites de l' « infirmière idéale ». Il s'agit aussi d'analyser si une infirmière rend « objet » un malade ou si elle « s'auto-réifie » (Honneth, 2007) afin de réaliser son geste ?

 

Contexte

 

Les recommandations ministérielles actuelles en matière de santé invitent les soignants à réfléchir sur leur rôle et posture lorsqu'ils accompagnent les malades chroniques afin que ces derniers soient davantage « sujets de leurs soins ».

 

Les soins intrusifs ont comme particularité d'autoriser l'étrangère, qui est la soignante, d'entrer d'une manière autoritaire, - parce que ses gestes sont thérapeutiques et donc revêtent un aspect « obligatoire », - dans l'intimité d'un malade alors même que la société occidentale prône l'affranchissement du rapport à autrui, qui plus est le toucher.

 

Les ressentis et les représentations du geste intrusif sont variables d'un soignant ou d'un malade à un autre comme le précise la définition suivante : « L'intrusion se caractérise comme une action en mouvement, consentie ou subie, entraînant une gêne, un inconfort ou un soulagement, selon la manière de conduire l'interaction et la production de soins. Selon les modalités d'introduction dans le monde ou dans le corps de l'autre, cette intervention sera, côté soignant, réfléchie, proportionnée ou banalisée, mécanisée, et du côté patient, acceptée, tolérée ou rejetée avec violence ou passivité » (Malaquin-Pavan, 2015, p.22).

 

Cependant, des témoignages de soignants évoquent un processus de déshumanisation des soins lors de la réalisation de ce geste, et utilisent la métaphore du « patient objet ». (Flament, 2015).

 

Problématique

 

Notre recherche vise à approfondir le vécu de ce geste intrusif, et plus particulièrement les partages de significations et les activités mentales du point de vue de l'infirmière en prenant en compte les spécificités du toucher et du rapport au corps de l'autre ainsi que les transactions émotionnelles qu'elle opère avec elle-même et son environnement.

 

Un soignant qui est en interaction avec un malade emboîte des espaces d'activité en situation d'intervention sur autrui (Barbier, 2015). De fait, ces interventions et ces tâches se situent entre la technique et le care avec des gestes techniques, des techniques relationnelles et des activités mentales.

 

Les gestes intrusifs sont des gestes de toucher répétitifs relativement communs dans la professionnalisation de l'infirmière (Hesbeen, 1997).

 

Or, le fait de toucher quelqu'un lors d'un soin, n'est jamais anodin. Le toucher se distingue des autres sens, par le fait qu'il impose une relation directe à la réalité (Merleau-Ponty, 1964) et à l'autre (Sforzini, 2014).

 

Cette relation au corps est comme un stimulus qui impose a priori à l'infirmière une prise de conscience des réalités impliquées par les sensations, et provoquent des affects. Ces affects donnent l'occasion aux acteurs d'être conscients qu'il y a quelque chose qui les remue. (Deshays, 2013). Ces émotions peuvent notamment provoquer des risques psychiques en lien avec des représentations sociales, des tabous, des fantasmes, des résonances imaginaires chez l'infirmière, au regard de son expérience (Greis, 2007).

 

Le travail émotionnel (Hochschild, 2003) est « l'acte par lequel on essaie de changer le degré ou la qualité d'une émotion ou d'un sentiment, en l'évoquant ou en le supprimant, au regard de diverses techniques cognitives, corporelles ou expressives ». Il se met en place pour respecter les règles sociales : négociation entre expériences émotionnelles, gestion des émotions, règles de sentiments et d'idéologie (Goffman, 1974, Hochschild, 2003). Les infirmières ne tentent pas seulement de se conformer extérieurement, mais aussi intérieurement, notamment si elles ont l'impression de ressentir un sentiment inapproprié (Freud, repris par Hochschild, ibid).

De fait, pour pourvoir réaliser leurs soins intrusifs et être en adéquation avec les paradigmes du soin, comment les infirmières envisagent-elles leur rôle, leur posture et leurs gestes ? Quelle stratégie individuelle adoptent-elles pour faire face à un geste qui peut-être vécu comme émotionnellement difficile ? Echappent-elles à leurs affects, en se coupant de la relation au malade, en ne lui parlant plus et en le réifiant comme beaucoup le pensent ?

Ou se rendent-elles objet du soin par un mécanisme de défense ? (Honneth, 2007)

 

Méthodologie de recherche

 

Les entretiens semi-directifs à visée explicative (Vermerch, 1994, Faingold, 2015), constituent le matériau principal de notre recherche pour étudier le discours sur les pratiques et les activités mentales selon une démarche compréhensive. Ils sont conduits auprès de douze infirmières hospitalières et libérales qui témoignent sur un geste intrusif de leur choix.

 

L'analyse des matériaux empiriques recueillis se fait selon l'analyse de contenu thématique (Kaufmann, 2011) au regard des représentations et des émotions significatives concernant la conduite de leur geste intrusif et la relation au malade lors de l'activité de soin, leurs croyances et leurs capacités envers elles-mêmes, les malades et leur environnement, leurs intérêts et valeurs, les risques encourus, les règles implicites de soins qu'elles expriment.

 

Une première analyse est transmise aux personnes interviewées afin d'approfondir les thématiques de recherche identifiées. Leurs remarques, objectivées par le regard du chercheur, sont prises en compte dans l'analyse du contenu et la finalisation des résultats.

 

Résultats attendus

 

La représentation de soi et du métier d'infirmière, la gestion des émotions dans le cadre d'un soin intrusif sont-elles en contradiction avec les paradigmes des soins infirmiers ?

 

 

 

 

 

 

Regard réflexif sur la question de recherche

 

Les paradigmes dans le soin pèsent assurément sur la conception du rôle et de la réalisation de l'activité du soignant. Les nouvelles recommandations qui prônent un changement de pratiques, notamment en terme d'éducation, pour rendre le malade davantage acteur de son parcours médical, s'opposent à des visions dont la genèse remonte à l'histoire des soins. Le rôle du chercheur est ainsi de les rendre visibles dans le cadre d'un article pour permettre un débat, voir une évolution dans la communauté des soignants.

 

 

 




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