4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)

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De l'intégration de certains à l'éducation pour tous : partir des conceptions de futurs ou jeunes enseignants pour (re)penser leur formation et leur entrée dans la profession.
Serge Ramel  1, *@  , Isabelle Noël  1, *@  
1 : Laboratoire Interdisciplinaire Sciences Innovations Sociétés (LISIS)  (LISIS)  -  Site web
Université Paris-Est
* : Auteur correspondant

Résumé : Deux recherches récentes ont été menées auprès d'une part de futurs enseignants et d'autre part de jeunes enseignants en insertion professionnelle. Elles montrent toutes les deux la place centrale qu'occupent leurs représentations dans leur prise en compte de la diversité des élèves au sein de la classe.

Ces études s'inscrivent dans le champ d'études des représentations sociales. En effet, les concepts d'intégration et d'inclusion et les thèmes connexes répondent aux caractéristiques théoriques propres aux objets générant des représentations. Le sens attribué à ces notions polysémiques et complexes est partagé dans l'interaction et la communication entre les enseignants membres d'un même groupe social (Deschamps et Clémence, 2000; Moliner, Rateau et Cohen-Scali, 2002; Moscovici, 1976). Les représentations impliquent également des enjeux qui en font une question socialement vive (Legardez, 2004; Legardez et Simonneaux, 2011). Sous le poids des circonstances et de rapports sociaux, les enseignants sont amenés à prendre position et à construire un code commun pour obtenir la reconnaissance et l'adhésion de chacun (Moscovici, 1976).

La première étude a été menée au sein d'une institution de formation de Suisse romande et s'attachait à identifier chez les étudiants les composantes des représentations relativement à l'intégration scolaire. La formation initiale est souvent perçue comme le meilleur moment pour amener les futurs enseignants à modifier le cas échéant leurs attitudes envers des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers, ainsi que leurs perceptions de l'éducation inclusive. Un questionnaire a ainsi été passé en début, au milieu ou en fin de formation auprès d'étudiants se destinant respectivement à l'enseignement primaire (261 participants) ou à l'enseignement secondaire (212 participants). Des analyses ont été faites à l'aide de régressions linéaires, soit dans des modèles hiérarchiques, soit dans des modèles de médiation ou de modération. Les résultats montrent que l'objectivation reste essentialiste et biomédicale, en se focalisant sur les prototypes de handicap les plus médiatisés. Ce constat rejoint celui fait par Harma, Gombert, Roussey et Arciszewski (2011) ou Stockdale (1995), la représentation du handicap et des besoins éducatifs particuliers se réduisant finalement aux prototypes les plus identifiables. Les résultats font également apparaître la faiblesse du dispositif de formation tel que perçu par les futurs enseignants, ce qui rejoint le constat fait par d'autres chercheurs (Agbenyega, 2011; Bergeron et St-Vincent, 2011; Donnelly et Watkins, 2011; Forlin et Chambers, 2011).

La deuxième étude rend compte de la manière dont de jeunes enseignants transitant de la formation initiale à l'emploi en Suisse donnent du sens et analysent leur travail avec un élève présentant des besoins éducatifs particuliers en classe ordinaire et plus largement avec la diversité des élèves, durant leur première année de pratique professionnelle. Pour ce faire, une étude qualitative au moyen d'entretiens compréhensifs en trois temps (début, milieu et fin de la première année d'enseignement) a été réalisée auprès de 15 enseignants débutants. Les données ont été analysées à partir du modèle itératif proposé par Miles et Huberman en 2003. L'analyse qualitative des discours montre à son tour la prédominance d'une vision individuelle et biomédicale des difficultés rencontrées par les élèves pour la majorité des jeunes enseignants interrogés. Elle montre également une forme de stabilité des représentations entre les trois temps de mesure, les jeunes enseignants trouvant la plupart du temps confirmation de leur manière de penser dès l'insertion professionnelle. En effet, à l'image de ce que montrent Lawson, Norwich et Nash (2013) ou Pearson (2009) dans leurs propres études, le jeune enseignant tend à redéfinir ou à ajuster sa vision de la prise en charge des élèves ayant des besoins éducatifs particuliers et plus largement de la gestion de la diversité des élèves à la manière de considérer et gérer ceci de l'établissement ou des personnes avec qui il travaille. Ce constat rejoint celui fait par McIntyre (2009) sur les pratiques d'enseignement et les attitudes que les futurs enseignants apprennent habituellement à adopter et qui sont dominantes actuellement dans les écoles.

Les résultats des deux études montrent que les représentations des futurs et jeunes enseignants s'inscrivent dans une vision avant tout individuelle et biomédicale des élèves, renforcée notamment par des apports venant de la pédagogie spécialisée en formation initiale et la culture des établissements scolaires. Il s'agit dès lors de (re)penser leur formation et leur accompagnement dans l'entrée dans la profession pour éviter que la réponse à la diversité des élèves ne se limite à l'identification des problématiques individuelles des élèves dans le but de les déléguer ensuite à des spécialistes considérés comme mieux à même de gérer ces situations. Nous proposerons donc des pistes de réflexion et d'action pour inscrire la formation des enseignants dans une visée plus inclusive qu'intégrative.

Regard réflexif :

Face à un enjeu sociétal aussi important qu'est l'intégration, voire l'inclusion scolaire, les formateurs-chercheurs ne peuvent que s'interroger sur leur propre rôle dans sa mise en œuvre. Notre questionnement est donc le suivant : en quoi la recherche peut-elle faire évoluer une formation qui ne semble que renforcer les représentations préexistantes des jeunes enseignants, notamment en développant un espace propice à une prise de conscience de ces dernières ?

Cette interrogation est plus particulièrement en lien avec trois questions transversales proposées par le colloque :

Comprendre : En quoi les interventions de ces divers acteurs l'amènent-elle à appauvrir le questionnement de départ, ou au contraire à l'améliorer, l'affiner, le réorienter positivement ?

Evaluer : Les chercheurs et chercheuses tiennent-ils suffisamment compte des évolutions sociétales ou se laissent-ils enfermer dans des traditions de recherche perdant de leur pertinence sociale ?

Proposer : Comment contribuer à une interprétation d'un phénomène complexe sur la base de recherches parcellisées menées à partir d'angles disciplinaires différents ?



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