Notre intervention se situera au croisement de deux recherches (Buznic, Terrisse, 2013 ; Buznic, Desvages, 2016) réunies – au-delà du chercheur qui les conduit – par le champ épistémologique au sein duquel elles se situent – la didactique clinique (Carnus, Terrisse, 2013) –, le terrain qu'elles abordent – l'enseignement en milieu scolaire – et un attachement fort à un pan de l'hypothèse développée au sein du symposium : la question de la confiance se situe dans la perspective d'un espace où priment l'incertitude et les occasions de rencontre, plus que l'ajustement préalable et l'adaptation anticipée.
Deux problématiques conceptuelles inhérentes à deux terrains spécifiques seront alors articulées : 1. Les figures de la responsabilité, telles qu'elles se manifestent chez des enseignants débutants en EPS qui entrent pour la première fois en relation avec des élèves ; 2. Les filtres de la rencontre, tels qu'ils peuvent se manifester dans l'entrée en relation de professeurs des écoles et d'animateurs encouragés à œuvrer de concert dans la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires.
La première recherche a permis d'identifier comment quatre enseignants débutants assumaient la fonction qu'ils supposaient devoir incarner dans un espace didactique. Toute relation didactique présuppose en effet que les élèves fassent confiance à ceux qui enseignent, notamment pour pouvoir apprendre par eux-mêmes. C'est ce que l'idée de contrat didactique a tenté de conceptualiser, comme le développe B. Sarrazy : « croyez-moi, mais ne croyez pas, apprenez à savoir ce que c'est que savoir (...), faîtes-moi confiance pour ne plus avoir à me faire confiance, mais faire confiance à votre raison » (Sarrazy, 1995). Mais, du côté de l'enseignant, cette perspective consiste à assumer la responsabilité de celui à qui on peut faire confiance, celui qui sait quelque chose de ce qui arrive à l'élève, le « sujet supposé savoir » (Lacan, 1966 ; Buznic-Bourgeacq, 2013). Nous monterons alors quatre figures de cette assomption de responsabilité face à la confiance des élèves, identifiées au travers de quatre études de cas : la culpabilité, l'a-préhension, la crédibilité et la rivalité. Etre en position de savoir suppose d'être en position de confiance, ce qui justement n'est jamais gagné a priori et dépend de la rencontre réelle entre un sujet enseignant et des sujets élèves, forts de leurs histoires personnelles.
Nous développerons alors ensuite cette question de la rencontre réelle et des filtres qui la traversent : les rapports symboliques, sur fond desquels chacun se trouve déjà positionné par rapport à l'autre au sein d'un espace symbolique de répartition des places et la relation imaginaire qui leur est sous-jacente, relation duale ou duelle, qui relie deux semblables, rivaux ou complices, inscrits dans la réciprocité, un jeu de miroirs et d'identifications, ne laissant pas de place à la rencontre de l'altérité. Nous nous appuierons alors sur l'exemple de la rencontre entre des professeurs des écoles et des animateurs censés se faire réciproquement confiance pour travailler ensemble à la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires. Nous montrerons qu'au-delà de la rencontre entre des activités et des finalités, c'est la rencontre entre des identités qui se joue et qui trouve ses conditions de possibilité au-delà des rapports symboliques et des relations imaginaires.
Nous conclurons en comparant les deux types de relations inhérents aux deux recherches : la première a priori dissymétrique et la seconde... encore dissymétrique. Nous essaierons alors de montrer que dans une relation de confiance, il y a toujours dissymétrie.

Bibliographie
Buznic-Bourgeacq P. (2013). La contingence de l'enseignement ou la mise à l'épreuve du sujet supposé savoir. In Carnus M.-F., Terrisse A. (dir.), Didactique clinique de l'EPS. Le sujet enseignant en questions. Paris, Editions Revue EPS.
Buznic-Bourgeacq, P. Terrisse, A. (2013). Le sujet en position d'enseignant. Pratiques et discours de trois professeurs d'EPS débutants avec ou sans expérience personnelle dans l'activité enseignée. Revue française de pédagogie n°184, p. 15-28.
Buznic-Bourgeacq P., Desvages V. (2016). Des enseignants et des animateurs : la rencontre des sujets au carrefour des cultures professionnelles. Actes du colloque « École, animation, culture : quand les rythmes scolaires interrogent les territoires et les partenariats », 25-26 janvier 2016, Bordeaux.
Carnus M.-F., Terrisse A. (2013). Didactique clinique de l'EPS. Le sujet enseignant en question. Paris, Editions Revue EPS. Sarrazy, 1995
Lacan J. (1966). Ecrits. Paris, Seuil.
Sarrazy B. (1995). Le contrat didactique. Revue française de pédagogie n° 112, p. 95-118.