En France, entre 1985 et 1995, sous l'effet de différents facteurs et d'une conjoncture favorable (investissements scolaires, baisse de la pression démographique, diversification de l'offre scolaire), le taux de bacheliers dans une génération passe de près de 30 % à plus de 60 %. Mais, l'analyse du recrutement à l'interne du second cycle du secondaire révèle cependant de fortes disparités sociales, amenant à une « démocratisation ségrégative » du supérieur (Merle, 2009), un processus simultané d'accroissement du nombre d'inscrits dans un cycle et l'augmentation des écarts sociaux entre les filières. Ainsi les nouveaux bacheliers de milieu populaire ont vu leur nombre s'accroître mais leurs chances d'accéder aux filières longues de l'enseignement supérieur, diminuer.
Les différentes filières de l'enseignement supérieur n'ont donc pas évolué de façon identique. Si au début des années 1990, toutes les filières sont en plein essor, dans la seconde moitié de la décennie, les évolutions sont spécifiques à chacune des grandes filières et à leurs disciplines. Ainsi, à l'exception des filières sciences économiques et gestion et STAPS, les effectifs de l'université diminuent Au contraire, les filières courtes (STS, IUT, formations paramédicales et sociales), grâce à l'augmentation de leur capacité d'accueil (STS et IUT), et à l'augmentation du nombre de places aux concours (filières paramédicales), voient leurs effectifs croître. Les enfants de classe populaire, plus souvent « canalisés » dans les séries technologiques ou professionnelles du baccalauréat, se retrouvent plus souvent dans ces filières courtes.
À la même période, le plan Université 2000, entend multiplier par deux le nombre de diplômés des écoles d'ingénieurs, le nombre d'écoles de commerce habilitées à délivrer un diplôme visé par le ministère de l'Éducation nationale double aussi. Ainsi, le nombre de diplômés des écoles d'ingénieurs ou de commerce a presque doublé entre 1985 et 2000. De sorte que les CPGE, qui tiennent une place particulière au sein du système scolaire français du fait de leur hégémonie comme moyen d'accès aux grandes écoles, ont vu leurs effectifs exploser, passant d'un peu plus de 30 000 au milieu des années 1980 à 70 000 en 2000 (80 000 en 2011). Les effectifs ont largement crû, le recrutement ne s'y est cependant que peu démocratisé.
En effet, bien que les CPGE aient joui d'un certain nombre de réformes visant à leur démocratisation, C. Baudelot et al. (2003), à propos du recrutement des CPGE, soulignaient dans leur analyse diachronique des vingt dernières années la constance et les permanences statistiques. L'idéal type de l'élève de CPGE pouvait ainsi se résumer à un jeune garçon de milieu favorisé ayant obtenu un baccalauréat scientifique avec mention. Même si les auteurs avaient à l'époque pensé que les filles et les élèves des séries technologiques, jusque-là sous-représentés, constitueraient à l'avenir de nouveaux viviers pour cette filière, les analyses plus récentes (Gateaud, 2012 ; Dutercq et Masy, 2015) ont confirmé la persistance des inégalités d'accès à cette filière.
Notre présentation visera en ce sens à une meilleure compréhension des inégalités d'accès aux CPGE en s'attachant tout particulièrement à éclairer les effets des politiques d'ouverture sociale menées ces dernières années.
Références bibliographiques :
Gateaud, G. (2012), les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles. Rentrée 2011, Note d'information. Enseignement supérieur et Recherche, 12.02, MESR-SIES, avril 2012.
Baudelot, C. et al. (2003, mai). Les CPGE au fil du temps. Actes du colloque démocratie, classes préparatoires aux grandes écoles. Paris. France
Dutercq, Y. et Masy, J. (à paraître), Origine sociale des étudiants de CPGE : quelles évolutions ? Rapport sur les inégalités scolaires d'origine sociale, ethnio-cultuelle : une possible amplification ? CNESCO. Paris.
Gateaud, G. (2012), les étudiants des classes préparatoires aux grandes écoles. Rentrée 2011, Note d'information. Enseignement supérieur et Recherche, 12.02, MESR-SIES, avril 2012.
Merle, P. (2009). La démocratisation de l'enseignement, Paris, La Découverte.