Engagée depuis plus de 15 ans dans la conception de curriculums de formation à l'enseignement (degrés primaires et secondaires), en tant que chercheuse, nous avons mené parallèlement une réflexion historique, sociologique et politique afin de tenter de comprendre les enjeux politiques, professionnels et sociaux qui sous-tendent, de manière plus ou moins explicites, le processus.
Cette contribution proposera la synthèse de plusieurs travaux que nous avons conduits sur cet objet en prenant appui sur plusieurs angles d'observation:
- l'histoire des curriculums de formation à l'enseignement, des écoles normales du 19e siècle à l'actuelle Haute école pédagogique du Valais et l'étroite relation sociale que ces curriculums entretiennent en permanence avec la société pour laquelle des enseignant-es sont formé-es ;
- les réflexions à propos de ce qui est attendu lorsqu'il est question de ‘professionnalisation' : les points de vue (ni coordonnés ni forcément complémentaires) des acteurs du terrain (chercheurs et formateurs en particulier) et des acteurs politiques à différents niveaux : politiques supranationales, OCDE notamment et politiques régionales (cantonales en ce qui concerne la Suisse) (Périsset, 2015)
- les enjeux et surtout les problèmes que pose aux formations à l'enseignement la rencontre entre ces différents mondes qui ont, chacun, leur justification (au sens de Boltanski et Thévenot), les rapports de force qui en découlent et que chacun invoque pour imposer ses propres normes. (Périsset, 2010).
Pour illustrer ces problèmes, nous prendrons comme exemple les interventions parlementaires soutenues entre 2005 et 2010 et adressées spécifiquement aux formations à l'enseignement dispensées par la Haute école pédagogique du Valais. Nous aurons préalablement contextualisé, aux niveaux suisse (intercantonal) et supranational, les enjeux professionnels, économiques et politiques desdites formation à l'enseignement. Notre analyse montre que la réalité obéit à des règles implicites, issues d'un rapport de force où la proximité joue un grand rôle et la rhétorique des uns et des autres brouille le jeu jusqu'à le rendre illisible aux acteurs du terrain (formateurs en HEP) et concepteurs de curriculums de formation dont l'action devient, de ce fait, compliquée.
Boltanski, L. & Thévenot, L. (1991). De la justification. Paris : Gallimard – nrf essais
Périsset, D. (2015). Mais pourquoi parle-t-on tellement de professionnalisation ? Réflexion autour d'un concept polymorphe. In B. Wenzel, V. Lussi & R. Malet (Ed.), Professionnalisation de la formation des enseignants: des fondements aux retraductions nationales (pp. 17-40). Nancy : Presses universitaires de Lorraine.
Périsset, D. (2010). Le double enjeu de la formation à l'expertise professionnelle. Les évolutions internationales au cœur des Hautes écoles pédagogiques (Suisse). In R. Malet, La formation des enseignants sous influence internationale. Circulation, emprunts, transferts dans l'espace francophone. Recherche et formation, 6, 5, 61-74.