Résumé :

Les enseignants, leur métier et leur formation, font aujourd'hui l'objet d'une pluralité de recherches qui s'inscrivent dans plusieurs champs disciplinaires (didactique, sciences de l'éducation, sociologie, sciences du travail, ... ), mobilisent des approches théoriques et méthodologiques variées et les étudient sous des angles tout aussi diversifiés : activités enseignantes en classe, identités professionnelles, entrée dans le métier, réception des politiques éducatives, etc. Ces recherches peuvent par ailleurs s'inscrire dans des visées différentes, parfois complémentaires, ou même mélangées : visées scientifiques de production de connaissances et/ou visées plus normatives d'élaboration de prescriptions, la production de connaissances scientifiques étant parfois utilisée, voire instrumentalisée, pour justifier des choix opérés dans les curricula de formation.

Ainsi, si les questions des chercheurs, les objets d'étude qu'ils choisissent, les approches qu'ils mobilisent, s'inscrivent dans les préoccupations et débats scientifiques, théoriques et méthodologiques, propres à leurs disciplines respectives, ils renvoient aussi à des préoccupations professionnelles ou socio-politiques en lien avec les transformations sociales du contexte scolaire qui viennent poser de nouveaux défis aux enseignants et soulèvent de nouveaux enjeux pour leur formation et l'exercice de leur métier.

Du côté des études sur le métier d'enseignant, on a vu se développer ces dernières années de nombreux travaux consacrés à l'impact des politiques publiques sur le travail enseignant, en lien avec l'émergence de nouvelles politiques éducatives qui sont venues bousculer le métier d'enseignant dans plusieurs pays d'Europe. D'autres travaux, en lien notamment avec un problème récurrent de pénurie d'enseignants et de sorties précoces du métier, se sont penchés sur les « épreuves subjectives » auxquelles sont confrontés les enseignants débutants lors de leur entrée dans le métier ou sur le fonctionnement du marché de l'emploi enseignant. Ces exemples reflètent non seulement des nouvelles préoccupations professionnelles et politiques, mais aussi une évolution du regard scientifique porté sur le métier et notamment la montée de nouvelles approches théoriques, comme l'approche « par le bas » des politiques scolaires ou les approches « socio-constructivistes » cherchant à articuler vécus subjectifs et conditions objectives d'exercice du métier.

Concernant la formation des enseignants, les recherches témoignent aussi de tendances croisant préoccupations scientifiques, professionnelles et/ou socio-politiques. Ces dernières années, en lien notamment avec les bouleversements subis pas la formation initiale des enseignants dans divers contextes nationaux (masterisation, promotion du modèle du praticien réflexif, valorisation de l'alternance, utilisation de nouvelles technologies...) et les nombreuses difficultés auxquelles sont confrontés quotidiennement les enseignants dans l'organisation et l'accompagnement des apprentissages en classe, de nouveaux travaux se sont penchés sur l'analyse de l'activité enseignante. Si l'émergence de ces travaux est peut-être en partie due à un certain essoufflement du paradigme « Professionnalisation-Compétence », elle reflète cependant aussi le développement relativement autonome de nouvelles approches théoriques et méthodologiques dans le champ de la clinique de l'activité et de la didactique professionnelle, plus largement des sciences du travail.

Ainsi, tant en ce qui concerne l'étude du métier que celle de la formation, l'évolution des objets de questionnement est non seulement repérable dans l'émergence de nouvelles approches théoriques, mais tout autant à l'intérieur même des disciplines, comme en témoigne par exemple l'intérêt, relativement nouveau, des approches didactiques pour le travail enseignant.

Dans ce symposium, nous souhaitons tout d'abord dresser un panorama des études menées sur le métier d'enseignant et sa formation sous l'angle des questions adressées par les chercheurs et des approches mobilisées :

- A quelles questions les chercheurs cherchent-ils réponse à propos du métier et de la formation des enseignants ?

- Avec quelles approches théoriques et méthodologiques ?

- Est-il possible, dans la foison des travaux menés, de dégager une certaine convergence dans les approches et objets choisis par les chercheurs ?

- Y a-t-il certaines dimensions du métier d'enseignant qui ne sont pas ou plus étudiées ? Autrement dit, peut-on repérer des angles morts dans la recherche actuelle ?

Par ailleurs, nous souhaitons documenter et comprendre l'évolution de ces études :

- Comment les questionnements, les objets d'études choisis, les approches mobilisées ont-ils évolué ces dernières années ?

- Comment comprendre ces déplacements relativement à l'évolution du regard scientifique posé spécifiquement par chaque discipline, de l'évolution de l'objet étudié (le métier d'enseignant et sa formation), ou encore de l'évolution de la demande sociale ?

L'objectif est non seulement de mettre en évidence les centres d'intérêt des chercheurs étudiant aujourd'hui le métier d'enseignant et sa formation ainsi que les objets qu'ils « négligent », mais aussi d'interroger les choix opérés : que révèlent-ils des enjeux qui traversent aujourd'hui à la fois le champ scientifique et le champ de la pratique enseignante ?

Plus précisément, dans le cadre de ce symposium, nous avons sollicité des chercheurs traitant, sous différents angles, de divers aspects du métier d'enseignant et de sa formation pour mener cette démarche réflexive et s'interroger, à partir d'une revue de la littérature – non forcément exhaustive – , sur leur propre champ d'étude. 

Deux salves d'interventions sont proposées, regroupées autour deux thématiques générales :