4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
L'école de demain, le numérique, et les questions que se posent les chercheurs à propos de leurs relations
Bernard Delvaux  1@  , Marcel Lebrun  1, *@  
1 : Groupe interdisciplinaire de Recherche sur la Socialisation, l'Education et la Formation  (Girsef)  -  Site web
Place Montesquieu, 1/14 1348 Louvain-la-Neuve -  Belgique
* : Auteur correspondant

L'éducation scolaire n'a pas toujours été majoritairement aux mains de l'État. Ce n'est qu'au fil du temps que celui-ci a pris une place prépondérante dans l'organisation, le financement et la régulation des systèmes scolaires, prenant le pas sur les acteurs associatifs ou religieux, ou cadrant fortement leurs actions éducatives. Mais aujourd'hui, de nombreux observateurs constatent la réémergence de nouveaux opérateurs éducatifs qui ne sont ni l'État ni les familles.

Ces nouveaux opérateurs sont variés, tout comme leurs champs d'intervention. Les opérateurs proviennent en effet aussi bien du tissu associatif que du secteur marchand. Quant à leurs champs d'intervention, ils peuvent concerner l'offre scolaire en tant que telle (avec l'ouverture de nouvelles écoles ou la labellisation et le coaching d'écoles existantes), mais bien plus souvent des services qui se situent à la périphérie du scolaire soit pour soutenir la réussite scolaire (soutien scolaire, remédiation, écoles de devoirs, coaching,...) soit pour prendre en charge des domaines qui constituent le cœur de métier de l'école (l'apprentissage des langues, par exemple, ou des cours et formations ciblées mis en ligne), soit encore pour prendre en charge des domaines faisant traditionnellement intégrés dans les curricula scolaires (éducation artistique, spirituelle ou corporelle, notamment).

Cette nébuleuse est donc complexe et multiforme. Le vocabulaire utilisé pour en rendre compte est peu stabilisé. Certains, souvent critiques à l'égard de ces évolutions, parlent de marchandisation et de privatisation, utilisant d'ailleurs ces notions pour désigner non seulement des offres éducatives mais pour rendre compte de l'implantation, au sein même du système scolaire contrôlé par l'État, de finalités et logiques marchandes et privées, d'un « régime néolibéral de la connaissance » (Clément et al., 2011) ou d'une « instrumentalisation des savoirs » (Convert et Demailly, 2011). D'autres s'en tiennent à des concepts plus descriptifs et neutres, mais nullement unifiés. Comme le souligne Marie Gausel, « périscolaire, extrascolaire, extracurriculaire, postscolaire, parascolaire, le vocabulaire est riche pour décrire ce qui existe au-delà des frontières de l'École » (Gaussel, 2013).

Cette profusion des dénominations et de concepts rend complexe la description du champ mais aussi des recherches qui s'intéressent à ce champ. C'est pour cette raison que nous limiterons notre investigation à l'enseignement obligatoire, même si les évolutions décrites sont plus nettes dans l'enseignement supérieur ou la formation tout au long de la vie. C'est pour cette même raison que nous nous concentrerons sur les systèmes scolaires des pays économiquement dominants, même si les évolutions concernent autant, si pas plus, les pays économiquement dominés (Napporn et Baba-Moussa, 2013).

Il s'agira donc de cartographier les objets variés qu'analysent les chercheurs, en essayant de préciser les contours de chacun de ces objets à partir d'une combinaison de critères (statut de l'opérateur, champ d'action, forme éducative plus ou moins proche de la forme scolaire (Vincent, 1994),...), ceci afin de préciser au mieux les objets fréquemment étudiés ou ceux qui le sont moins. Il s'agira aussi de décrire les angles d'approche, qui ne sont pas sans rapport avec les processus et causalités que ces chercheurs mettent en évidence. Le moteur des processus est-il davantage du côté des opérateurs qui entreprennent de développer de nouvelles offres éducatives pour défendre une cause ou chercher du profit ? Ou plutôt dans les attentes éducatives de familles, que le système scolaire rencontre peu ou mal (Pons et Robine, 2013) ? Ou encore dans la déstructuration de l'institution scolaire, soumise, comme d'autres institutions de la modernité, à des processus qui la fragilisent et conduisent les organisations qui la composent à innover dans le désordre et incitent des opérateurs externes à se glisser dans les espaces ainsi ouverts (Delvaux, 2015) ?

Cette hypothèse d'un lien assez fort entre, d'une part, les objets et questions de recherche et, d'autre part, les grilles de lecture des évolutions sociétales en cours et des dynamiques qui les sous-tendent nous permettront de passer d'une cartographie des recherches de ce domaine à un essai d'interprétation des facteurs expliquant cette cartographie, ainsi que le positionnement normatifs des chercheurs, très contrastés, depuis ceux qui soulignent les dangers d'une privatisation jusqu'à ceux qui louent le dynamisme entrepreneurial, en passant par ceux qui préfèrent la dialectique à l'opposition en envisageant d'importer « dans le système public les avantages proposés par les opérateurs privés, au bénéfice du plus grand nombre » (Dutercq, 2011).

 

Bibliographie

Clément P., Dreux G., Laval C. et Vergne F. (2011), La nouvelle école capitaliste, La découverte.

Convert B. et Demailly L. (2011), Internet et l'instrumentalisation du savoir scolaire et universitaire, in Dutercq Y. (dir) (2011), Où va l'éducation entre public et privé ?, De Boeck supérieur.

Delvaux B. (2015), Une tout autre École, Pensées libres.

Dutercq Y. (dir) (2011), Où va l'éducation entre public et privé ?, De Boeck supérieur.

Gaussel M. (2013) Aux frontières de l'École ou la pluralité des temps éducatifs, Dossier de veille de l'IFÉ, 81, janvier 2013 

Napporn C. et Baba-Moussa A.R. (2011), Accompagnement et soutien scolaires : l'expérience béninoise, Revue internationale d'éducation de Sèvres, 62, pp. 79-88.

Pons X. et Robine F. (dir) (2013), Les attentes éducatives des familles, Revue internationale d'éducation de Sèvres, 62.

Vincent G. (dir) (1994), L'éducation prisonnière de la forme scolaire ? Scolarisation et socialisation dans les sociétés industrielles, Presses Universitaires de Lyon.


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