4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
A quelles questions cherchons-nous réponse à propos de l'articulation entre éducation et société ?
Bernard Delvaux  1@  
1 : Groupe interdisciplinaire de Recherche sur la Socialisation, l'Education et la Formation  (Girsef)  -  Site web
Place Montesquieu, 1/14 1348 Louvain-la-Neuve -  Belgique

Durant la modernité, l'éducation – sous sa forme scolaire (Vincent, 1994) – s'est constituée en tant que champ spécifique de la société. Elle a ainsi acquis une relative autonomie et s'est définie des normes propres sans cependant jamais être entièrement indépendante d'un certain nombre d'autres secteurs, institutions ou champs voisins. Ces relations complexes qu'entretiennent les systèmes scolaires avec leur environnement expliquent pourquoi de nombreux chercheurs se sont intéressés aux relations, articulations et influences mutuelles qui se sont tissées entre le champ scolaire et ce qui l'entoure, qu'il s'agisse de la famille, des médias, de l'économique, du scientifique, du politique ou du religieux. Cet intérêt déjà ancien ne signifie pas que les questions que se posent ces chercheurs sont restées immuables. Elles ont au contraire évolué au fil du temps, notamment en fonction des transformations sociétales. Aujourd'hui, les mutations à la fois profondes et accélérées qui touchent de multiples secteurs et institutions de la société sont susceptibles d'affecter voire de bouleverser le champ scolaire et les liens qu'il a structuré au fil du temps avec d'autres secteurs de la société (Delvaux, 2015). On peut dès lors faire l'hypothèse que ces évolutions affectent aussi le questionnement des chercheurs particulièrement intéressés par l'étude des liens entre le système éducatif et les autres champs de la société.

Le premier objectif de ce symposium est de cartographier les multiples questionnements de notre communauté de chercheurs, hétérogène au plan des disciplines, des objets de recherche et des angles d'approche. A noter que nous nous focalisons prioritairement sur les chercheurs francophones (qu'ils publient en français ou en d'autres langues), sans nous limiter cependant aux chercheurs travaillant exclusivement sur l'éducation et la formation, puisque les chercheurs spécialisés dans l'étude des champs voisins peuvent traiter de questions d'éducation et plus encore de questions d'articulation entre l'éducation scolaire et ces autres champs qui sont leur objet privilégié d'investigation. 

Il s'agit de décrire la nature des questionnements actuels de cette communauté scientifique aux contours flous, c'est-à-dire les objets de recherche choisis mais aussi les points de vue à partir desquels ces objets sont observés ainsi que les questions formulées à leur propos. L'objectif est d'identifier ainsi, dans chaque domaine investigué, des sous-communautés de chercheurs travaillant sur des objets et des questions similaires, puis de souligner les complémentarités ou tensions voire les oppositions entre ces diverses sous-communautés.

Cette description peut ensuite être mise en perspective. Pour saisir et interroger la particularité des questionnements ainsi décrits, en montrer les « creux » et les « pleins », les « oublis » et les « modes », on peut utiliser la mise en perspective temporelle (en soulignant l'abandon, le reflux, l'émergence ou le développement de questions), la décentration spatiale (en identifiant les questions peu posées dans d'autres espaces linguistiques alors qu'elles le sont dans notre espace francophone, ou inversement), la comparaison de champs (en comparant les questions des chercheurs spécialisés dans l'éducation et la formation avec celles des chercheurs spécialisés dans le champ dont on analyse l'articulation au champ éducatif), ou encore la décentration d'espaces de débats (en comparant les questions abordées par les scientifiques avec celles qui figurent à l'agenda des débats publics, par exemple).

Ce double travail descriptif est ensuite complété par une tentative de compréhension de ce qui conduit cette communauté scientifique hétérogène à privilégier ou délaisser tel ou tel champ de questions. Les facteurs explicatifs convoqués dans cette tentative sont notamment relatifs au contexte sociétal et au mode de fonctionnement de la recherche. Un contexte sociétal qui se caractérise par de profondes évolutions propres à renouveler en partie les enjeux, mais aussi par des paradigmes et référentiels dominants ou en compétition (Muller, 1995). Un contexte scientifique où spécialisation, internationalisation, anglicisation, évaluation systématisée de la recherche et des revues, mise en compétition des centres de recherche et des chercheurs sont quelques-unes des évolutions qui modifient le contexte de travail de recherche et font peser de nouvelles contraintes sur les personnes qui y sont engagées, y compris (voire surtout ?) sur la manière dont elles se posent des questions et sur la nature des questions qu'elles se posent.

Cet essai interprétatif et le double travail descriptif préalable peuvent déboucher sur un apport plus normatif, soulignant par exemple des objets injustement oubliés ou des questions éventuellement trop soumises à certains paradigmes ambiants privilégiant un type de rapport au monde, d'acteur, d'interprétation, de société ou d'Humain.

Dans ce symposium, il n'est pas envisagé de livrer une analyse complète et scientifique de ce vaste champ de recherche portant sur l'articulation entre le système scolaire et les autres sphères de la société. L'enjeu consiste plutôt à faire un premier pas dans cette direction. Pour structurer ce travail de débroussaillage, il a été choisi d'identifier les principales sphères ou institutions sociales articulées au système scolaire et de confier chacune d'elles à un contributeur.

Bibliographie

Delvaux B. (2015), Une tout autre École, Pensées libres.

Muller P. (2005), Esquisse d'une théorie du changement dans l'action publique : structures, acteurs et cadres cognitifs, Revue française de science politique,‎ 1, pp. 155-187

Vincent G. (dir) (1994), L'éducation prisonnière de la forme scolaire ? Scolarisation et socialisation dans les sociétés industrielles, Presses Universitaires de Lyon.



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