Symposium : Evaluer les évaluations en milieux scolaires ?
L'étude des pratiques d'évaluation a durablement tourné autour de la question des divergences entre évaluateurs tout en négligeant l'effet des spécificités des contenus en jeu dans les évaluations. L'enjeu principal de l'approche, que nous qualifions de psycho-didactique des évaluations est précisément de combiner l'apport des didactiques disciplinaires et des travaux en psychologie sur l'analyse de l'activité pour mieux comprendre les activités d'évaluations et remettre au centre des préoccupations la question de la validité. Lors de la communication, nous nous appuierons sur les résultats d'une recherche consacrée à l'évaluation de dissertation en sciences économiques et sociales afin de monter, dans une première partie, l'intérêt de ces approches pour étudier l'activité de correction ou d'évaluation proprement dite, puis dans une deuxième partie, de proposer un modèle psychologique de la correction de dissertation.
La dissertation est une épreuve ouverte, au sens où il est difficile de trancher sur le caractère juste ou faux de ce qui est avancé par les élèves-auteurs. L'étude mentionnée est une enquête qui s'appuie sur les verbalisations d'enseignants (16 enseignants) au cours de leur correction de copies. Il s'agit d'une situation « aménagée », car cette tâche ajoutée d'explicitation est artificielle. L'un des résultats que nous développerons est la remise en cause du modèle « référent/référé », puisqu'aucun enseignant ne s'engage dans la dissertation avec une « dissertation modèle » en tête. Nous rejoignons ainsi les auteurs ayant proposé, sans la confronter empiriquement, l'idée de reférANT que construit progressivement au cours de son activité le correcteur. Nous verrons que la correction est une lecture singulière et approfondie de la copie, où l'élève est présent à travers son texte (dialogue différé, Amigues). La fidélité, bien qu'importante lors des examens, ne saurait être le seul critère de validité d'une évaluation. Aucun des jugements émis par les enseignants lors des corrections étudiées ne peut être qualifié d'erroné, tous s'appuient sur des connaissances et des éléments bien clairs et légitimement relevés au sein de la copie, tout en étant pas pour autant convergents. Ces éléments nous permettront de proposer un d'expliciter notre conception de la validité de jugement, laquelle est attachée au fonctionnement cognitif des correcteurs-lecteurs. Ils permettront également de proposer une ébauche de modèle psychologique de la correction de dissertation.
Nous avons par ailleurs développé une réflexion autour du raisonnement évaluatif, à partir d'une transposition du raisonnement sociologique (Passeron). Sur la base des éléments qui auront été précédemment développés, nous conclurons notre présentation en adaptant ce cadre de réflexion à l'activité de correction de dissertation. Dans ce cadre, évaluer c'est non seulement comprendre ce que quelqu'un dit, mais aussi pourquoi il le dit et les relations entre ces deux choses. Le raisonnement évaluatif se déploie ou se réalise dans une succession de jugements, dont il reste à décrire les conditions de leur production, leurs enchaînements et leur portée descriptive et explicative.
Il nous semble que ces nouvelles approches, ces nouveaux cadres d'analyse de l'activité des évaluateurs, constituent une émancipation des questionnements et paradigmes dominants dans le champ des recherches sur l'évaluation scolaire. Il s'agit non plus de critiquer mais de rendre intelligible les processus conduisant aux produits de l'évaluation, qui au niveau sociétal, sont les seuls discutés.
Amigues R., Bonniol J.-J., Caverni J.-P., Fabre J.-M. & Noizet G. (1975). Le comportement d'évaluation de productions scolaires : à la recherche d'un modèle explicatif. Bulletin de psychologie, 28, 793-799.
Amigues R. & Zerbato-Poudou M.-T. (1996). Les pratiques scolaires d'apprentissage et d'évaluation. Paris : Dunod
Chevallard Y. 1989. Evaluation, véridiction, objectivation. Accessible sur le site de l'auteur. 18 pages.
Hadji C. (1992). L'évaluation des actions éducatives. Paris : PUF.
Passeron J.-C. (2006). Le Raisonnement sociologique: Un espace non poppérien de l'argumentation. Paris : Albin Michel.