Au sein de la production scientifique relative à l'analyse des politiques scolaires, on retrouve désormais en Europe continentale un grand nombre de travaux se focalisant sur les évaluations externes standardisées. Sans trop simplifier, on peut avancer que deux conclusions se dégagent de cette production scientifique (essentiellement descriptive) lorsqu'elle interroge les effets de ces évaluations externes :
1) A l'heure actuelle, le recours à ces évaluations constitue bien un trait saillant des politiques éducatives et des modes de régulation des systèmes éducatifs sur le continent (certains auteurs parlent même de l'évaluation externe comme une modalité de régulation en soi) ;
2) Cette nouvelle composante de la régulation produit dans le même mouvement des effets d'ordre politico-organisationnel et pédagogique.
Sur le plan théorique et analytique, les travaux existants s'attèlent souvent à démarquer leurs objets d'analyse des logiques d'accountability anglo-saxonnes, principalement états-uniennes. La distinction qui fonde le plus souvent cette démarcation est l'absence, dans les logiques promues sur le continent, d'une médiatisation des scores obtenus par les élèves tandis que, dans l'accountability anglo-saxonne, la publicité est le plus souvent au cœur de la mécanique régulatoire impulsée (et des cadres théoriques qui la sous-tendent). Au-delà de cet aspect, c'est également la nature des suites données par l'autorité publique aux évaluations externes qui légitime une démarcation entre les logiques continentales (peu ou pas de sanctions) et ce que révèlent les analyses menées outre-Atlantique (où des sanctions existent très souvent[1]).
Notre symposium portera précisément sur les enjeux empiriques et théoriques que soulève l'évaluation externe des élèves et des enseignants dans les pays européens (souvent envisagée comme une forme d'« accountability » spécifique). Au départ de travaux décrivant un dispositif d'évaluation externe régional et/ ou national (et un mode de thématisation de ce dispositif ; 5 pays différents seront représentés), l'objectif de ce symposium sera de préciser (ou d'interroger) les enjeux suivants :
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Quels sont les processus de légitimation qui accompagnent le déploiement dans les systèmes éducatifs européens des évaluations externes standardisées et de leur contribution à la régulation des systèmes éducatifs ? Quels sont les principaux arguments mobilisés pour fonder un tel déploiement ?
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Comment les travaux de recherche centrés sur ces politiques leur attribuent-ils une signification ? Quels enjeux de connaissance sont présents dans ces travaux ? Quels sont les cadres théoriques mobilisés pour décoder et interpréter ces politiques ?
Interroger ces deux dimensions au travers d'une série de travaux s'inscrivant dans des lectures multiples nous permettra d'impulser par ailleurs une démarche réflexive sur nos pratiques de recherche tout à fait en lien avec l'objectif du congrès de l'AREF organisé cette année. Nous discuterons en effet au sein de ce symposium de la manière dont la structuration du contexte scientifique, et notamment l'anglicisation (via l'influence du label analytique d'accountability) a pu jouer un rôle dans la construction de l'objet envisagé ici : les enjeux et effets politico-organisationnels de l'évaluation externe en Europe continentale.
[1] Il convient à ce propos de remarquer que les dispositifs d'évaluation externe nationaux peuvent évoluer sur cette dimension au sein du Continent - cf. Pays-Bas.