Cette communication porte sur l'école primaire publique rurale française à partir de données empiriques recueillies à l'occasion de notre travail doctoral et de recherches qualitatives plus récentes. En quoi l'hospitalité (Prairat, 2011) des enseignants exerçant dans l'espace rural revêt un enjeu essentiel pour les familles et les enseignants ? Dans un contexte de refonte générale de l'école primaire, quels sont les freins et les leviers possibles pour permettre à l'école rurale de répondre à ce défi d'hospitalité?

L'originalité de cette communication est de s'intéresser aux acteurs de l'école d'un territoire en difficultés socio-économiques, celui de l'espace rural isolé (INRA, 1998) et fragile (DATAR, 2003). Les écoles de l'espace rural représentent 45 % des écoles primaires du secteur public et scolarisent environ 23 % des enfants, soit 1,3 millions d'enfants (Jean, 2007). En ce qui concerne l'école, comme dans les banlieues défavorisées, ses classes accueillent des élèves d'âges différents et entretient des liens particuliers avec l'espace local, car la population, considérant que la survie du village en dépend, y est sans doute plus attachée qu'ailleurs. Mais un certain nombre d'éléments la fragilisent et la font doucement disparaître : les politiques de regroupement, le nombre d'enfants en diminution, son coût important pour les petites communes, le changement fréquent d'enseignants, l'absence de garderie et de service de restauration, ou encore, en raison de la concurrence de l'école privée. Enfin, la peur de l'échec scolaire et l'importance du bien-être de l'enfant encouragent parfois certains parents à scolariser leur enfant dans l'enseignement primaire privé (Van Zanten, 2009).

Pourtant, d'une part, le niveau de réussite des élèves dans ces écoles est similaire à celui de leurs camarades urbains (Alpe, 2006) et d'autre part, ces écoles tentent de concilier réussite scolaire et bien-être des enfants en développant des stratégies scolaires (Van Zanten, 2009) et de co-éducation ( Rayna et al., 2010), en tirant profit des conditions de scolarisation champêtre et en tentant de contrebalancer les déficits socio-culturels supposés des élèves (Alpe, 2006). Pour y arriver, les familles enquêtées se préoccupent fortement du niveau de discipline et du bien-être de leur enfant, des conditions matérielles et pédagogiques, de l'efficacité des méthodes, de la disponibilité des enseignants ou des nouvelles activités périscolaires proposées. Le défi d'hospitalité – permettant à chaque enfant et à chaque parent d'avoir une place personnelle dans l'école (Prairat, 2011) – auquel font face les enseignants de l'école rurale se trouve ainsi au cœur de leurs relations avec les familles en vue d'un partage de l'autorité éducative réussi (Dejaiffe, 2010). In fine, du côté des enseignants, leur hospitalité envers les enfants et les familles facilite l'exercice de leur métier, et du côté des familles, l'hospitalité des enseignants les pousse à vivre et à scolariser leurs enfants dans l'espace rural.

Champs thématiques : Elèves à besoins spécifiques, inclusion, enseignement spécialisé"

Bibliographie (APA) :

Alpe, Y. (2006). « Existe-t-il un « déficit culturel » chez les élèves ruraux ? », Revue française de pédagogie, n°156, 75-88.

DATAR (2003). Quelle France rurale pour 2020 ? Paris : La Découverte.

Dejaiffe, B. (2010). « Le partage de l'autorité éducative » in Prairat E. (dir.), L'autorité éducative : déclin, érosion ou métamorphose. Nancy : Pun, 141-156.

Jean, Y. (2007). Géographies de l'école rurale. Paris : Ophrys.

INRA-INSEE (1998). Les campagnes et leurs villes. Portrait social. Paris : INSEE.

Prairat, E. (2011). Questions de disciplines scolaires à l'école et ailleurs. Ramonville Saint Agne : Eres.

Rayna, S., Rubio, M-N. et Scheu, H. (2010). Parents-professionnels : la coéducation en questions. Toulouse : ERES.

Van Zanten, A. (2009). Choisir son école. Paris : Puf.

Mots-clés : Bien-être, école rurale, hospitalité, stratégies scolaires