Cette présentation s'appuie sur un travail de thèse qui s'intéresse à la place des interventions psychothérapeutiques dans le champ de la protection de l'enfance. Il s'appuie sur une monographie d'une équipe de psychologues cliniciens qui accueille au sein d'un hôpital de jour des enfants avec des troubles qui peuvent être qualifiés de troubles du comportement et qui, selon la directrice, « pourraient presque tous faire l'objet d'une mesure de protection de l'enfance ». 

Dans la mouvance des travaux de recherche d'interactionnistes comme Becker (1985) et Goffman (1968, 1975) et de premières expériences de recherche-action, ce travail s'est construit dans un souci de concilier objectifs de recherche et objectifs d'action. L'objet de recherche s'est donc nourri d'une préoccupation de terrain posant la question de : Quand l'équipe envisage-t-elle un partenariat avec les services de protection de l'enfance ?

Cette préoccupation fait écho au débat sur la notion d'évaluation qui anime professionnels de terrain et chercheurs en protection de l'enfance, ces quinze dernières années. L'enjeu est de déterminer la pertinence et les objectifs d'une intervention. Aussi l'accent a-t-il été placé sur l'élaboration d'instruments pour améliorer l'évaluation de situation de maltraitance possible (Robin, 2012). Notre rencontre avec les travaux nord-américains sur l'écologie de la prise de décision (Baumann, et al., 2011), nous a conduit à adresser le problème par un autre angle. L'écologie de la prise de décision ne cherche pas à construire des instruments d'évaluation pour rendre la décision plus rationnelle, mais s'interrogent sur les facteurs qui influencent les professionnels du champ dans leur évaluation et dans les prises de décision qui en découlent.

Le processus décisionnel a été étudié en passant par une succession de stades parfois très centripètes où nous nous sommes focalisé sur le fonctionnement interne de l'hôpital de jour étudié et d'autres plus centrifuges, où nous nous sommes intéressé au rapport de l'hôpital de jour à l'extérieur. Chaque stade a été essentiel à la compréhension du suivant. 

Nous avons, dans une premier temps, étudié l'inscription institutionnelle, théorique et pédagogique de la pratique de l'hôpital de jour. Par la suite, nous avons identifié les différents facteurs (de cas, organisationnels, externes et liés processus psychologique du décideur) qui ont un impact dans le processus décisionnel des psychologues cliniciens. Pour finir, nous avons identifié les éléments facilitant ou entravant la collaboration (fréquence des interactions, partage du cadre théorique de référence) du soin psychique avec les services de protection de l'enfance.

En présentant les différentes étapes du processus de recherche et ses principaux résultats, nous interrogerons ici dans quelle mesure les différentes instances (laboratoire de recherche, terrain qui est aussi le financeur par le biais d'une C.I.F.Re.) en interaction avec la chercheuse agissent sur le processus de recherche? En effet, répondant à un questionnement de terrain, la question de départ est le fruit d'une élaboration conjointe entre le terrain enquêté et la doctorante. De plus, étant un travail doctoral, le sujet doit répondre à des exigences et des attentes académiques telles que la rigueur de la démarche méthodologique et l'explicitation de son cadre théorique. Dans ces interactions et en particuliers celles des restitutions se jouent alors la légitimité de la chercheuse: légitimité de son cheminement intellectuel par ses pairs scientifiques et légitimité de l'utilité de son travail pour l'action par les acteurs de terrain. Aussi, nous montrerons que toutes ces instances qui peuvent être vues comme contraignantes pour la recherche ont conduit la chercheuse à de la rigueur et de la réflexion sur le sens du projet.