4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
L'impératif numérique: innovations techniques et crises de l'enseignement, espoirs et dilemmes
Helene Papadoudi-Ros  1@  
1 : Laboratoire interuniversitaire des sciences de l'éducation et de la communication  (LISEC)  -  Site web
Université de Haute Alsace - Mulhouse, université de Strasbourg, Université Nancy II
Université Louis Pasteur 7 rue de l'université 67000 STRASBOURG Université Nancy2, B.P. 3397 54015 NANCY CEDEX France -  France

QUESTION DE RECHERCHE
Penser les mutations que connaissent les sphères de l'éducation et de la formation "conquises", selon l'expression de Miege, B.(1995), par «l'impératif communicationnel", ou encore par «l'impératif numérique », de Wieviorka, M.( 2015) tel est l'enjeu de notre questionnement. Comment les espoirs que soulèvent les évolutions technologiques construisent de nouvelles utopies qui ne font que dévoiler les difficultés et les fragilités du monde de l'éducation moderne.

Méthodologie : Synthèse de littérature (analyse de contenu)

Mots clés= politiques éducatives, technique et éducation, enjeux socio-éducatifs, TICE et valeurs

Dans une triple démarche de compréhension, d'évaluation et de proposition nous sommes amenées à observer les pratiques ainsi que les discours de justification, liés au numérique, à travers des enquêtes et les textes ministériels. La forme actuelle que prend le discours sur la technique dans la société, mais aussi dans l'éducation, nous interpelle, à nouveau. Penser les mutations que connaissent les sphères de l'éducation et de la formation "conquises", selon l'expression de Miege,B.(1998), "par l'impératif communicationnel", ou encore par l'impératif numérique, de Wieworka, M.(2015), tel est l'enjeu de notre questionnement.

Nous appuyant sur une littérature spécialisée (rapports issus du monde de l'Education ( Ministère Français d' Education , expériences de terrain, débats, évaluations de l'Inspection, Conseil National....) nous souhaiterions apporter une contribution aux débats et à l'analyse des projets d'usage et des politiques éducatives en la matière, souvent contradictoires.

Depuis les années 60, les moyens d'information et de communication ont été ressentis par les institutions scolaires comme étant en concurrence à leurs propres valeurs, tout en exerçant une sorte de fascination. A chaque fois qu'apparaissait une nouvelle technologie, les institutions scolaires ont cherché à voir si elles ne peuvent pas s'en servir pour en faire un “ moyen d'enseignement” ou “d'apprentissage” ou même “un objet d'enseignement. Ces “machines” ont toujours été considérées comme d'emblée “éducatives” et porteuses d'“innovation pédagogique”. Chaque génération d'enseignants et d'apprenants a connu de nouveaux media, et partagé les discours sur les nouvelles médiations techniques, dorénavant possibles dans l'espace éducatif, et qui se déclinent à des degrés divers dans la formation "présentielle" et dans la formation "à distance », comme une sorte de continuité, sans filtre de ce qui domine dans l'espace social. Des plans de généralisation des équipements ont progressivement changé la réalité des établissements d'éducation. C'est ainsi que les technologies audiovisuelles, et informatiques au début, puis internet, les réseaux sociaux voir des robots sociaux, sont devenues successivement l'objet d'une “ curiosité ”, de plus en plus grande, mais aussi objet d'étude sur leurs effets, selon leur technicité, et ont donné lieu à de nombreuses publications et colloques.

Les transformations matérielles ont indubitablement influencé les buts, les valeurs et les moyens d'action de l'homme, des enseignants et des apprenants. Des discours tentés par l' “ isomorphisme ”, qui consiste à placer sur le même plan l'homme et la machine, sont à nouveau activés, et en parallèle, en portant la controverse, d'autres sont à l'œuvre pour promouvoir une attitude “ techno-centrique” (Rabardel, P. 1995). Inévitablement la dimension « idéologique », (comme l'avait initié Habermas), est aussi d'actualité, liée du développement, des techniques, dans un sens. N'est-il pas temps d'explorer ces mythes et ces utopies qui se construisent au sein de l'éducation comme ailleurs ? (Breton,Ph. 1992 ;

Flichy,P.2003; Ellul,J.2012; Wolton,D.2009) De connaître leur contenu et, face aux dernières technologies, de nous demander si elles sont bien au service de nos buts humains et éducatifs ? De réfléchir même sur la nature de ces buts.

Chaque génération de machines crée de nouveaux espoirs qu'elles auront bp plus à offrir. Nos attentes augmentent avec l'arrivée de chaque nouvel outil. Et pourtant, tout semble tellement fragile, et le discours sur la crise de l'éducation ou le déclin de l'institution (Dubet, F.2002), n'est pas plus rassurant. Cette fragilité, nous semble- t- il, n'est pas sans risques non plus !

Depuis les études de Mac Luhan, M.(1977), et de Turkle Sh.(1997,2015), nous savons que ce que les technologies nous font, qu'elles nous façonnent, et que nous forgeons de nouvelles identités à travers elles. L'évolution actuelle des technologies semble renforcer et réactiver ces problématiques tout en questionnant l'émergence d'une nouvelle éthique, d'un autre rapport avec le réel, le vivant, l'identité, avec soi et avec le monde. A chaque génération les TIC nous offrent une occasion de réfléchir à nos valeurs et à la direction que nous prenons. On observe déjà que l'ultra-connectivité s'accompagne de comportements compulsifs, et qu'un nouveau phantasme émerge sur les substituts technologiques qui pourraient remplacer les relations interpersonnelles.

Quel prix nous sommes prêts à payer en délaissant l'éducation, l'instruction, le savoir et la culture au profit des machines ? Mais ne serait-il pas très simpliste d'attribuer aux seuls TIC et leurs acteurs, un tel pouvoir capable de reconstruire une institution en « déclin »? Clarifier ses valeurs, repenser ses rapports avec les « industries culturelles et numériques », c'est aussi refonder l'institution (Loi de 2013), et légitimer une «approche éducationnelle » spécifique/exclusive aux TIC, pour que l'école ne se transforme pas à une organisation à sélectionner et à apprendre, possible à confier aux seules machines. Est-ce le projet ultime des nouvelles politiques éducatives ?

Bibliographie

1/ Bonéry, S.(Ed). (2016). Les élèves face aux outils pédagogiques : quels risques d'inégalités ? Recherches et formations. no 25, 2016
2/Conseil National du Numérique (2014). Jules ferry 3.0, Bâtir une école créative et juste dans un monde numérique. Rapport, Paris : MEN

3/ Conseil National du Numérique, (2013), Citoyens d'une société numérique. Rapport, Paris : MEN 4/ DEP, MEN, (2014),Le numérique éducatif :un portrait européen. Note d'information, no 14
5/ Flichy, P..(2010) L'innovation technique. Paris : La Découverte

6/IGEN . (2007).Contributions des TICE dans l'éducation. Rapport conjoint IGEN-I.G.A.E.N.R. -I.G.F.- C.G.T.I., Lepetit,P. Lesné, JF.Bardi,AM. Arnaud Pecker, A.. Bassy,AM. Paris : MEN
7/Rabardel, P. ( 1995). Les hommes et les technologies, Paris :A. Colin
8/ Cahiers Pédagogiques (Ed).(2012). Apprendre au XXI siècle, Dossier spécial, no 50O. Paris :Grap



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