Cette communication porte principalement sur l'évolution des positionnements de professeurs des écoles (PE) suivis par une équipe de huit chercheurs sur une longue période, allant de l'année de l'obtention du concours jusqu'à quelques années après leur titularisation. Les évolutions des priorités déclarées et/ou observables des professeurs débutants ont été étudiées en les rapportant à des combinaisons variables des dispositions liées à leurs trajectoires antérieures et de différentes conditions d'apprentissage du métier (formations, accompagnements, contextes d'insertion...). La soixantaine des suivis réalisés articulent observations de classe (parfois filmées), entretiens et analyses de documents (rapports de visite, etc.). Certains d'entre eux ont été entrepris avant et d'autres après la création des écoles supérieures du professorat et de l'éducation (en 2013), dans plusieurs académies où les débutants sont nombreux.
De façon récurrente, il apparaît que c'est surtout durant la phase de préparation du concours et de découverte du métier, lors de stages courts, que ceux qui aspirent à enseigner à l'école primaire adhérent sans réserve aux idéaux et objectifs prescrits par l'institution scolaire : réflexivité et bienveillance de l'enseignant, foi en l'éducabilité des élèves, préparations et différenciations pédagogiques visant à favoriser les progrès de tous, etc... Pour une grande partie d'entre eux, les priorités changent au cours de l'insertion professionnelle, comme d'autres travaux fondés sur des suivis l'ont aussi noté (Goigoux et al., 2009), avec toutefois de notables variations selon les contextes d'école et les épreuves traversées. En de nombreux cas, en effet, il devient prioritaire de « tenir » (physiquement et psychologiquement) en étant soutenus par des collègues proches dont ils se doivent d'adopter les normes, tout comme d'autres novices lors de leur socialisation professionnelle (Demazière et Gadéa, 2009).
Pour autant, le classique schème du « choc de la réalité » des premiers mois (Fuller, 1969 ; Huberman, 1989) suivi d'une reprise de développement professionnel ne rend compte que partiellement des évolutions observées. Car nos suivis mettent en relief la difficulté récurrente et souvent durable des PE à concilier les impératifs de leur socialisation professionnelle locale, le respect des idéaux institutionnels et la préservation de leur équilibre personnel. En étudiant ces variations de priorités professionnelles rapportées aux trajectoires et aux contextes de travail, nous cherchons à élucider les logiques qui gouvernent les « solutions de compromis » trouvées provisoirement ou durablement.
Partie réflexive
Il s'agit d'abord de comprendre la combinaison des facteurs et logiques qui gouvernent ces évolutions récurrentes et leurs variations. Il s'agit aussi d'évaluer la compatibilité des objectifs de la formation des enseignants et des conditions actuelles de leur insertion professionnelle (Perrenoud, 2010). Des pistes visant à atténuer une partie des contradictions et troubles constatés pourront enfin être discutées.
Mots-clés : professeurs débutants, socialisation professionnelle, pratiques, contextes, dilemmes, dispositions, adaptations, positionnements.
Références
Demazière, D. & Gadéa, C. (Eds.) (2009). Sociologie des groupes professionnels. Acquis récents et nouveaux défis. Paris : La Découverte.
Füller, F.F. (1969). « Concerns of teachers: A developmental conceptualization ». American Educational Researcher Journal, 6, pp. 207-226.
Goigoux R., Ria L. et Toczek-Capelle M-C, (2010). Les parcours de formation des enseignants débutants, Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise Pascal.
Huberman, M. (1989). « Les phases de la carrière enseignante. Un essai de description et de prévision ». Revue française de Pédagogie, 86, pp. 5-16.
Perrenoud, Ph. (2010). « Et si l'évaluation institutionnelle paralysait le développement professionnel ? » In Paquay, L., Van Nieuwenhoven, C. van & Wouters, P. (dir.). L'évaluation, levier du développement professionnel ? Tensions, dispositifs, perspectives (pp. ). Bruxelles : De Boeck