Résumé
La transition entre la formation initiale et l'entrée dans le métier est, depuis quelques années, une préoccupation de nombreux formateurs et chercheurs interpellés par un taux d'abandon élevé des jeunes enseignants dans les 5 premières années d'enseignement et ce, dans de nombreux pays (Mukamurera et al., 2013). Cette période, délicate et décisive pour la suite de leur carrière est caractérisée par un mélange d'aspects positifs et négatifs, contraste illustré par les travaux sur les différents stades de la carrière des enseignants (Huberman, 1989 ; Nault, 1999 ; Wheeler, 1992). Si l'autonomisation est, selon Lang (1999), la condition pour que les enseignants construisent leur professionnalité et se sentent valorisés socialement, chez un certain nombre d'entre eux, les expériences négatives de mal-être et d'insatisfaction professionnelle deviennent prépondérantes et les amènent à quitter la profession (Delvaux, Desmarez, Dupriez, Lothaire, et Veinstein, 2013 ; De Stercke, 2014; Smith et Ingersoll, 2004).
Alors qu'en formation initiale, le programme de formation vise clairement le développement des compétences disciplinaires, pédagogiques et didactiques jugées nécessaires à l'exercice du métier, qu'en est-il du développement personnel et du soutien à la construction identitaire des futurs enseignants? Goyette (2014) a montré que les interactions constantes avec les collègues, les parents et particulièrement avec les élèves, remettent constamment les enseignants en question quant à leurs valeurs, leurs rôles et leurs représentations du métier. Leur identité professionnelle fusionne parfois avec leur identité personnelle (Kelchtermans, 2009 ; Nias, 1989) et l'image qu'ils ont d'eux-mêmes, qui ils sont, leur satisfaction et leur estime d'eux-mêmes revêtent une importance particulière (Devos, 2016).
Les compétences émotionnelles et relationnelles sont-elles suffisamment prises en compte dans le cursus de formation? Certains profils d'enseignants ont-ils plus de chance de persévérer dans le métier ? Est-ce un atout d'être passionné ? En quoi la formation initiale influence-t-elle les représentations et les valeurs des futurs enseignants ? Cultive-ton suffisamment le bien-être du futur enseignant pour favoriser une meilleure insertion professionnelle (Théorêt et Leroux, 2014) ?
Autant de questions placées au coeur du symposium pour avancer dans la réflexion sur la préparation des futurs enseignants à l'insertion dans leur métier. Plus particulièrement, ces questions seront traitées du point de vue des étudiants et de leurs formateurs. Quels regards les étudiants en fin de cursus posent-ils sur leur formation ? Se sentent-ils bien préparés ? Quels sont leurs besoins à la veille de l'entrée dans le métier ? Les formateurs identifient-ils des fragilités, des manques? Peut-on décoder des profils d'enseignants au niveau de la personnalité ? de leur engagement ? Quel rôle peut jouer la passion du métier pour favoriser l'insertion professionnelle ?
Ce symposium sera l'occasion de mieux comprendre les enjeux de la problématique de la préparation au métier d'enseignant, de discuter des données recueillies sur le terrain auprès des acteurs (futurs enseignants et formateurs) tant en Belgique qu'au Québec et d'identifier des leviers principaux d'insertion professionnelle.
Un bref exposé introductif sera réalisé par les responsables du symposium pour poser le cadre de la réflexion. Ensuite, les deux premières communications, ancrées dans le contexte belge, proposeront un état des lieux des ressources disponibles, dans la formation des futurs instituteurs primaires et préscolaires, qui facilitent la transition et l'insertion dans le métier. La troisième communication apportera un éclairage différent et complémentaire mettant l'accent sur la passion de l'enseignement, dimension du bien-être à prendre en compte dès la formation initiale pour faciliter la construction identitaire des enseignants. Enfin, le thème transversal du congrès sera abordé en proposant un débat autour des questions suivantes : en quoi le questionnement sur la préparation à l'insertion professionnelle en formation initiale est-il en phase avec le contexte belge actuel de potentielle masterisation de la formation ? Face aux carences perçues en formation initiale et aux leviers identifiés, que peuvent mettre en place les formateurs afin d'assurer une continuité entre la formation initiale et la formation en cours de carrière ?
Références
Delvaux, B., Desmarez, P., Dupriez, V., Lothaire, S., Veinstein, M. (2013). Les enseignants débutants en Belgique francophone : trajectoires, conditions d'emploi et positions sur le marché de travail. Cahiers du Girsef, 92, p.1-156.
De Stercke, J. (2014). Persévérance et abandon des enseignants débutants : La relève issue des Hautes Écoles. Thèse de doctorat. Mons (Belgique) : Université de Mons.
Devos, C. (2016). L'importance de l'identité enseignante et la réaction aux difficultés lors de l'entrée dans la profession. Dans C. Van Nieuwenhoven et M. Cividini (dir.), Quand l'étudiant devient enseignant : Préparer et soutenir l'insertion professionnelle (p.37-48). Louvain-la-Neuve : Presses universitaires de Louvain.
Goyette, N. (2014). Le bien-être dans l'enseignement : étude des forces de caractère chez des enseignants persévérants du primaire et du secondaire dans une approche axée sur la psychologie positive. Thèse de doctorat en sciences de l'éducation. Québec : Université du Québec à Trois-Rivières.
Huberman, M. (1989). Les phases de la carrière enseignante : Un essai de description et de prévision. Revue française de pédagogie, 86(1), 5)16.
Kelchtermans, G. (2009). Who I Am in How I Teach Is the Message. Self-Understanding, Vulnerability and Reflection. Teachers and Teaching : Theory and Practice, 15 (2), p.257-272.
Lang, V. (1999). La professionnalisation des enseignants : sens et enjeux d'une politique institutionnelle. Paris : Presses universitaires de France.
Mukamurera, J., Martineau, S., Bouthiette, M., Ndoreraho, J.-P. (2013). Les programmes d'insertion professionnelle des enseignants dans les commissions scolaires du Québec : portrait et appréciation des acteurs. Éducation et formation, e-299, p.13-35.
Nault, T. (1999). Éclosion d'un moi professionnel personnalisé et modalités de préparation aux premières rencontres d'une classe. In J.-C. Hétu, M. Lavoie & S. Baillauquès (Eds.), Jeunes enseignants et insertion professionnelle. Un processus. Paris-Bruxelles : De Boeck Université, Perspectives en éducation.
Nias, J. (1989). Primary Teachers Talking : A Study of Teaching as Work. London : Routledge.
Smith, T.M. et Ingersoll, R.M. (2004). What Are the Effects of Induction and Mentoring on Beginning Teachers'Turnover ? American Educational Research Journal,41 (3), p.681-714.
Théorêt, M. et Leroux, M. (2014). Comment améliorer le bien-être et la santé des enseignants ? Bruxelles : De Boeck.
Wheeler, WA. (1992). La croissance professionnelle vue à travers des manifestations d'inquiétudes. In P. Holborn, M. Wideen & I. Andrews (Eds.), Devenir Enseignant. D'une expérience de survie à la maîtrise d'une ratique professionnelle (vol.2, pp. 57-69). Montréal, Canada : Les éditions logiques.