Titre du symposium :
Entre exigences scientifiques et sollicitations des enquêtés : regards réflexifs de doctorants sur la construction de leur objet de recherche
La démarche de recherche doctorale tend à la fois à la certification scientifique des savoirs produits et à un engagement dans un échange « don-contre-don » avec les acteurs de terrain. Ainsi impliqué institutionnellement (Monceau, Lahimi, 2002) le doctorant doit produire des savoirs en composant avec une éthique scientifique et une éthique relationnelle dans son rapport aux sujets.
Dans ce processus, l'objet de recherche tend sans cesse à être reproblématisé (Martinand 2000, in Rayou, 2002) sous l'influence de la littérature et de la communauté scientifiques mais aussi celle du terrain. Le contact avec ce dernier peut conduire à interroger la pertinence et l'intérêt de questions scientifiquement posées en regard des enjeux politiques, économiques, sociaux auxquels elles sont liées et des acteurs qu'elles concernent. Toute la compétence du chercheur est alors de pouvoir observer ou écouter ce à quoi il n'était pas préparé (Olivier de Sardan, 2008).
Ce symposium propose de s'intéresser au rapport entre des objets de recherches et leurs terrains et à son impact sur le questionnement de départ. En quoi les interactions avec les professionnels contribuent, ou non, à la modification des interrogations initiales ?
Si l'apprenti chercheur considère les acteurs comme des « experts de leur quotidien » (Becker, 2002), les professionnels, de leur côté, adressent des questions pratiques voire techniques au doctorant, considérant celui-ci au moins comme un tiers et parfois comme un expert des objets ou situations investigués.
Le jeu de miroirs qui s'établit suscite des malentendus de part et d'autre. Le doctorant doute de sa légitimité pour conseiller des professionnels, décider de l'usage des savoirs qu'il produit ou définir les conditions de leur partage.
Se pose également la question de son « autonomie », à savoir la possibilité de ne pas s'impliquer dans les préoccupations des acteurs de terrain ou de ne pas se soumettre à certaines injonctions institutionnelles pour éviter ou réduire le risque d'être instrumentalisé.
Ce symposium réunira quatre doctorants engagés dans des recherches qualitatives de type ethnographique et dont les objets, en lien avec les domaines de l'éducation ou de l'enseignement, ont en commun d'étudier les écarts entre les prescrits institutionnels et les pratiques des acteurs sur le terrain.
Par un détour réflexif il s'agit d'explorer les articulations que les doctorants établissent, ou non, entre les exigences universitaires et/ou scientifiques et les attentes voire les demandes des acteurs, ces dernières pouvant être appréhendées comme un analyseur des relations entre connaissances et actions (Martucelli, 2002).
Quels sont les effets des attentes/demandes des acteurs de terrain sur le recueil et le traitement des données empiriques ? Quel est l'intérêt pratique des recherches menées pour les enquêtés? Quels sont les liens entre l'épistémologie scientifique et les situations vécues par les acteurs ? Enfin, comment et pourquoi les résultats des analyses peuvent-ils, ou pas, être communiqués aux acteurs de terrain ?
Il s'agit de croiser les regards sur la nature et les effets des processus de négociation d'entrée sur le terrain, de restitution des analyses, de partage de savoir, pour nourrir la réflexion théorique et méthodologique sur les modalités de production et de circulation des savoirs à l'œuvre actuellement entre les laboratoires de recherche en sciences de l'éducation et les professionnels/acteurs de terrain.
Après un exposé introductif rappelant la genèse de la réflexion ainsi que le cadre institutionnel et scientifique dans lequel elle s'inscrit, les communicants livreront l'analyse de leurs expériences de terrain, en essayant de saisir comment les questions éthiques, pratiques, scientifiques voire didactiques ont contribué, ou non, à (re)définir leur objet de recherche. Le symposium se conclura par une discussion-débat autour des travaux présentés.
Mots-clés : réfléxivité, épistémologie, éthique, méthodologie, rapport au terrain
Bibliographie :
BECKER H.-S. (2002), Les ficelles du métiers, Paris, La Découverte
FOSSIER A., GARDELL E. (2009), « Avant-propos. Les sciences humaines au miroir de leurs publics », Tracés. Revue de Sciences humaine, 09 /2009
LAMIHI A.; MONCEAU, G. (2002) Institution et implication : l'œuvre de René Lourau, Paris Syllepse.
MARTUCELLI D. (2002), « La production des connaissances sociologiques et leur appropriation par les acteurs », Education et sociétés, n°9/2002/1, p.27-38
OLIVIER DE SARDAN J-P. (2008), La rigueur du qualitatif. Les contraintes empiriques de l'interprétation socio-anthropologique, Louvain-La-Neuve: Academia-Bruylant
RAYOU P. (2002), « A quoi sert la sociologie de l'éducation ? ou : La circulation des savoirs entre sociologie de l'éducation et société », Education et sociétés, n°9/2002/1, p.5-11
STRAUSS A. (1991), La Trame de la Négociation, Sociologie qualitative et interactionnisme, Paris: L'Harmattan
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