Nous voudrions analyser de façon généalogique les conceptions de l'Ecole actuelle en matière de biopolitique de l'enfance. En effet, l'institution scolaire, comme les autres institutions que sont les établissements sanitaires et sociaux, les écoles religieuses, ou les Ecoles de police et/ou de formation militaire, produit des logiques de subjectivation qui visent à "construire" des élèves en vue d'en faire des citoyens et de reconfigurer l'enfance en eux afin qu'elle ne vienne pas empêcher ces processus de fabrication savante des compétences scolaires. Dans le cadre de l'Ecole française, très marquée par des réformes successives entraînant à chaque fois des définitions nouvelles de la formation, du métier d'enseignant, des liens avec les familles et des conceptions spécifiques des liens entre savoirs, savoir-faire, enfant/élève, famille et institution scolaire, surtout après les réformes éducatives de 1989 (portant création des IUFM devenus depuis ESPé) et de 2013 (refondation de l'Ecole), les normes et les évaluations critériées déterminent d'autres représentations de l'enfance et des liens qu'elle a avec le savoir. Il semble que la convocation de la rationalité politique au sein de la refonte éducative et des réformes de la formation des enseignant-e-s entrainent une autre manière de penser la petite enfance, l'enfance, l'adolescence, le langage de l'adulte dans l'Ecole et les finalités des savoirs, des pratiques, des manières de vivre l'enfant au sein de l'institution scolaire. Nous voudrions étudier de près les discours de la refondation de 2013 afin de faire l'archéologie de cette biopolitique de l'enfance qui détermine un type de pédagogie qui est à la fois une philosophie des valeurs de l'Ecole républicaine (avec une insistance mise sur les questions de laïcité, des droits et des libertés dans les Ecoles) et une politique de subjectivation visant à normaliser l'enfance dans le cadre d'une conception prescriptive et axiologique de l'enfance. 
Notre question de recherche porte donc sur l'archéologie de l'enfance aujourd'hui : comment l'Ecole politise l'enfance et détermine un rapport à des normes qui énoncent la bonne ou la mauvaise éducation? Les effets dans le champ juridique, social, économique, et au sens large, dans l'épistémé (Foucault) sont multiples et croisés : notre méthodologie consistera à analyser les acteurs et les champs scientifiques convoqués pour normaliser et définir les "vérités" de l'enfant et de l'enfance, autant que les discours régulant les pratiques professionnelles du corps enseignant et les injonctions psychopédagogiques et institutionnelles faites aux familles pour "co-éduquer" et donc souscrire au projet d'éducation nationale républicain propre au système éducatif français.Les résultats attendus sont de déterminer l'archéologie de notre regard et de nos discours sur l'enfance aujourd'hui, avec le retour dialectique escompté consistant à mieux saisir la singularité de nos savoirs et de nos connaissances sur l'enfant, la famille, l'anthropologie de l'éducation à l'époque du numérique, du post-modernisme et des sociétés globalisées "ouvertes" sur la confrontation des évaluations internationales et la compétition sans appel entre systèmes éducatifs et gouvernances multiples.
Le regard réflexif portera sur les significations qui sont données à ce jour à l'acte éducatif (analyse des socles communs de connaissances, de compétences, de culture, dans les programmes réformés), sur la place des droits et des codes divers dans l'Ecole (charte de la laïcité, code de l'éducation, déontologies diverses, enseignement de la morale laïque et de l'éducation civique, projets éducatifs territoriaux, acteurs associatifs et partenariats éducatifs et culturels) et, tout particulièrement, sur la signification éthique de l'acte éducatif au vu des processus de subjectivation et de normalisation mis en place par les réformes éducatives successives (loi sur le handicap pour une école inclusive, place des parents, rôles des pédagogies actives, paradigmes des modèles éducatifs).
Nous voudrions ainsi montrer, de manière réflexive et critique (au sens d'un exercice de la raison appliquée dans tous les domaines du secteur éducatif), que le sens de l'Ecole ne réside plus dans la transmission des valeurs cristallisées dans le moment historique de la République des hussards noirs (la troisième république de Ferry), encore moins dans le rappel autant historique que politique aux valeurs portées par les politiques révolutionnaires et les philosophies des Lumières (Rousseau, Condorcet, entre autres), mais, que se dessinent à la fois une technostructure oublieuse de l'histoire conflictuelle des valeurs qu'elle porte et, d'autre part, une biopolitique de l'enfance et de la vie familiale visant à accrocher l'enfance à un ensemble de déterminations extra ou méta-pédagogiques relevant de champs divers (économie de marché, sciences cognitives, conflits socio-religieux) qu'il faut justement préciser, cartographier, définir, pour savoir quelles sont nos théories et nos pratiques de l'enfant. De fait, l'enfant est soumis à une normativité totale et à un ensemble d'injonctions qui en font un réceptacle de pratiques et d'enjeux qui sont exorbitants à nos savoirs pédagogiques, au sens précis du terme. Répondre donc à la question de savoir si l'enfant de l'Ecole est une construction historique nouvelle depuis la rationalisation séculière de l'institution scolaire et/ou si l'enfance légitime les pratiques éducatives actuelles et en est le produit plus ou moins conscient requiert donc qu'on interroge le rapport que nous entretenons avec elle dans nos systèmes de vérités et dans nos constructions/constitutions de connaissances.
Michel Foucault, Surveiller et punir, Gallimard, 1975 ; id., La société punitive. Cours au collège de France. 1972-1973, éd. EHESS/Gallimard/Seuil, 2013 ; Pierre Macherey, De Canguilhem à Foucault. La force des normes, éd. La Fabrique, 2009 ; Abdelmalek Sayad, L'Ecole et les enfants de l'immigration, Seuil, 2015 ; Ruwen Ogien, La guerre aux pauvres commence à l'Ecole, éd. Grasset et Fasquelle, 2013 ;