Des idées reçues sur le monde enseignant sont toujours largement véhiculées. Une idée reçue est que c'est un métier « féminin », on en trouve trace dans des formules telles que « prof, c'est bien pour une femme », ce qui implique évidemment que c'est « moins bien pour un homme ». D'autant qu'en France, les enseignant-e-s du premier degré sont composés de 81,4% de femmes et 18,6% d'hommes en 2014. En outre, l'élévation du niveau de recrutement avec la masterisation ne serait, outre une réponse à une harmonisation européenne (Bologne, 1999), qu'une accélération de phénomènes anciens et pérennes. Ainsi, le recrutement des enseignant-e-s est devenu plus endogène dans le secteur public et a conduit à une élévation du milieu sociale de ces derniers (Esquieu, 2006). La masterisation aurait engendrer une réelle fracture sociale en excluant des étudiant-e-s issu-e-s des milieux populaires et renforcer la mise en place d'une typologie d'enseignant-e-s (à savoir une femme issue de milieu favorisée et ancienne bonne voire très bonne élève, c'est ce que déclarent 72% des enseignant-e-s (Esquieu, 2006, p.2). Cette dissymétrie numérique souligne, pour nous, de quelle façon le système de genre (Marro, 2012 : 74) structurent les socialisations pré-requises pour accéder à ce groupe professionnel.
C'est pourquoi, à la suite de notre recherche exploratoire sur l'accès des hommes au métier d'enseignant du premier degré, nous souhaitons présenter une recherche quantitative par questionnaires contextualisée géographiquement afin de mieux saisir comment s'agrègent différents types de socialisations (primaires, juvéniles, « primaires spécifiques » (Charles, 2012 : 19) et secondaires) avec les logiques institutionnelles de sélection (avec les activités para scolaires et para éducatives) et façonnent le choix des nouveaux enseignant-e-s de l'académie de Créteil. Car, le contexte politique du concours exceptionnel offre une possibilité nouvelle d'investigation en termes numériques, d'autant que l'académie de Créteil est une des moins attractive en raison de difficultés socio-économiques de ses publics (DEPP, 2015). D'autre part, réaliser l'étude à travers l'institution qui les forme nous permet d'obtenir une image de cette population proche de son choix d'accès au métier et à un moment précis du parcours biographique de chacun et chacune.
Liens avec le thème transversal : à quelles questions cherchons-nous à répondre ?
Le corps des enseignant-e-s du primaire a été façonné tout au long de son histoire par son recrutement ce qui a concouru à définir son identité professionnelle. Si cette élaboration d'un corps d'État fut longue et sinueuse, les enseignant-e-s ont été marqué-e-s par les différentes vagues de recrutement dans leur identité et dans leur accès au métier.
De plus, l'enseignement primaire est un espace professionnel marqué par des attributions de sexe : on attendra douceur et compréhension des unes, autorité et raison des autres. Cette sexuation du métier conduit à réinterroger les rapports sociaux de sexe.
Qui sont donc ces femmes et ces hommes qui aujourd'hui embrassent la carrière de professeur-e des écoles ?
Bibliographie
DEPP (2015) «Concours de professeurs des écoles dans l'enseignement public : deux fois plus de recrutements externes en 2014» note d'information.
Esquieu Nadine (2006) « Les enseignants des écoles publiques et la formation » Note d'information, n°06.17, p1-6.
Frédéric Charles (2012) « Les différents types de socialisation à l'oeuvre dans le recrutement des professeurs du secondaire en Angleterre et en France » in P.Guibert & P.Périer, La socialisation professionnelle des enseignants du secondaire, PUR : Rennes.
Marro C. (2012) « Dépendance-Indépendance à l'égard du genre. Penser l'égalité des sexes au-delà de LA différence ». Recherche et Formation, 69, p.65-80