4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
L'inflation des stages, une composante et un symbole des apories de la société française
Dominique Glaymann  1@  
1 : Laboratoire interdisciplinaire d'étude du politique Hannah Arendt Paris Est EA 7373  (Lipha Paris Est)  -  Site web
Upec et Upem
Université de Créteil Bâtiment T Bureau 131 61 avenue du Général de Gaulle 94000 Créteil -  France

Sans donner dans l'idéologie décliniste, force est de noter que la société française accumule des difficultés à résoudre un certain nombre de problèmes en matière d'emploi, d'insertion professionnelle et de formation. Non seulement la relation formation/emploi demeure « introuvable » (Tanguy, 1986 ; Vincens, 2005), mais on observe l'inefficacité récurrente des solutions imaginées pour traiter le chômage de masse durable et plus spécifiquement le chômage des jeunes à leur sortie de formation initiale.

Nous nous proposons alors de chercher des éléments de réponse à trois questions : Pourquoi un recours très fréquent aux stages a-t-il constitué l'une des voies privilégiées pour améliorer l'insertion des futurs diplômés ? Dans quelle mesure les conséquences de ces choix sont-elles éloignées des objectifs recherchés ? Jusqu'à quel point l'incapacité à améliorer e cette façon l'emploi des jeunes est-elle une spécificité française ? Au passage, nous serons amenés à questionner la pertinence de l'objectif de professionnalisation et l'efficacité des moyens mis en œuvre.

Dispositif pédagogique potentiellement très fécond, le stage a fait en France l'objet d'une instrumentalisation de plus en plus répandue au service d'une professionnalisation des études présentée comme un objectif majeur (Rose, 2014), notamment après que la loi LRU de 2007 l'ait promue au rang des missions explicités de l'enseignement supérieur.

Si nous pensons que des stages correctement pensés, organisés, encadrés, évalués et analysés peuvent enrichir la formation académique, dynamiser la socialisation et alimenter la construction des projets et des réseaux professionnels, nous ajoutons que cette perspective suppose une qualité des stages et donc le recours à d'importants moyens qu'il est inutile et impossible de multiplier en nombre et en durée. Or, confrontés à une demande sociale parfaitement légitime face aux difficultés d'entrée et surtout de stabilisation des jeunes diplômés dans l'entrée, les pouvoirs publics ont, dans une vision court-termiste (Rosa, 2010), laissé faire puis incité l'essaimage des stages dans les cursus scolaires et universitaires, ce qui a alimenté une série d'effets nocifs aux niveaux de la formation, de l'insertion et de l'emploi des jeunes générations.

Ce questionnement nous conduira à montrer dans cette communication les gâchis auxquels conduit une gouvernance publique et privée de l'emploi, de la formation et de la relation formation/emploi basée sur des diagnostics mal posés, des solutions mal adaptées et des conséquences mal mesurées : gâchis du potentiel que constitue une jeunesse nombreuse et éduquée pour construire une société et une économie « de la connaissance » (UE, 1996), gâchis de dépenses publiques qui ne résolvent pas les problèmes qu'ils sont censés traiter, gâchis des stages qui en viennent pour beaucoup à être des pertes de temps et/ou des destructions d'emploi (à travers la substitution stages/emplois).

Un premier objectif de cette intervention est de réfléchir, à travers le cas des stages, à 40 ans d'incapacité de la société française à résoudre cet ensemble de problèmes sociaux, économiques et politiques pourtant cruciaux pour le vivre-ensemble. Le second objectif sera de confronter au cours du symposium cette réalité à des exemples étrangers pour interroger le caractère plus ou moins exceptionnel de la France en la matière et pour chercher des solutions plus fécondes.

 

Références

Rosa H. (2010). Accélération. Une critique sociale du temps. Paris : La Découverte.

Rose J. (2014). Mission insertion. Un défi pour les universités. Rennes : PUR.

Tanguy L. (Ed.). (1986). L'introuvable relation formation-emploi : un état des recherches en France. Paris : La documentation Française.

Union Européenne (1996), « Enseigner et apprendre : vers la société cognitive », Livre blanc.

Vincens J. (2005). « L'adéquation formation-emploi » in J.-F. Giret et al. Des formations pour quels emplois ? Paris : La Découverte, 149-162.

 


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