Dans un contexte sociétal mettant de plus en plus en avant la nécessité de disposer de compétences d'analyse, de pensée critique et de résolution de tâches complexes (Blouin, 2015 ; Freiman & Savard, 2014 ; Dolz, Gagnon & Vuillet, 2011), il est nécessaire de s'interroger sur les conditions de leur acquisition et de leur développement au sein de la sphère scolaire. Or, faire réaliser des tâches complexes aux élèves n'est pas nécessairement, pour les enseignants, chose aisée. D'une part, car ils se retrouvent in situ face à une multitude de réactions à gérer mettant de l'avant les exigences d'accompagnement fortes de ces activités scolaires (Fagnant et al., à paraître ; Mottiez Lopez, 2015). D'autre part, certains auteurs déplorent le peu d'attention portée aux processus mobilisés par les élèves et une focalisation sur le produit fini et les aspects formels des textes produits par les élèves (Tisset & Léon, 1992. Bucheton, 2014).
Du côté des élèves, le tableau n'est pas plus optimiste. En effet, face à la multitude d'habiletés et d'opérations mentales à mobiliser conjointement (Piolat & Rouzzay, 1992 ; Bourdin, 2002), les apprenants se retrouvent souvent perdus, voire démotivés, face à l'ampleur de la demande (feuille blanche, difficulté de rentrer dans la tâche, etc.). A ce propos, les recherches investiguant la dimension émotionnelle en résolution de problème mettent à jour une palette d'émotions négatives telles que la frustration, la colère, l'anxiété ou encore la nervosité (De Corte, Op't Eynde & Verschaffel, 2007 ; Hanin & Van Nieuwenhoven, 2015, soumis). Parallèlement à cela, le peu de rétroactions offertes ne permet pas véritablement aux élèves de se dépasser. A tout le moins, ils reçoivent une note, sans véritable feedback qui l'accompagne, ou une grille dont il est parfois périlleux de s'emparer tellement les critères sont formulés pour l'enseignant.
Il semble donc, comme le signalent Laroui, Morel et Leblanc (2014) nécessaire d'aménager les pratiques enseignantes pour véritablement aider les élèves à réaliser des tâches complexes et leur permettre d'autoréguler leurs comportements. Dans cette perspective, les chercheurs qui se sont penchés sur la résolution de problèmes mathématiques (e.a. Fagnant & Demonty, 2016; Gamo, Nogry & Sander, 2014 ; Houdement, 2011) s'accordent sur la nécessité de reconceptualiser les activités de résolution de problèmes comme des exercices de modélisation, de proposer des recueils de problèmes variés et d'adopter une méthodologie ouverte, autrement dit, de favoriser la diversité des démarches et des stratégies de résolution.
C'est de ce problème à résoudre – les difficultés de faire réaliser des tâches complexes aux élèves et de les accompagner – que naît notre symposium : quels sont les leviers sur lesquels les praticiens peuvent s'appuyer pour aider les élèves à surmonter les obstacles qu'ils rencontrent ? Comment susciter l'engagement des élèves « faibles » dans ce type de tâche? Quelles données issues de la recherche peuvent amener à comprendre les étapes par lesquelles passent les élèves en situation de résolution ? Comment programmer les étayages en fonction de la tâche ? Quels gestes professionnels, quels ajustements spécifiques aux disciplines observe-t-on ?...
Comme le préconisent plusieurs chercheurs (e.a. Freiman & Savard, 2014 ; Op't Eynde, De Corte & Verschaffel, 2007 ; Savard, 2015), cette réflexion sur lesdits leviers ne peut faire fi des caractéristiques contextuelles de l'apprentissage. Il s'agira donc d'explorer la résolution de tâches complexes dans ses dimensions motivationnelle, cognitive, métacognitive et sociale. Nous avons choisi de nous centrer sur les élèves de l'école obligatoire et de nous attacher aux questions interdisciplinaires relatives à la production d'écrits et à la résolution de problèmes mathématiques car ce sont celles pour lesquelles les praticiens se disent peu outillés (Demonty & Fagnant, 2014 ; Laroui, Morel & Leblanc, 2014 ; Vlassis, Mancuso & Poncelet, 2014).
Ainsi, après un cadrage général proposé par les organisateurs du symposium, nous aurons dans un premier temps l'éclairage des cinq communications inscrites dans le champ des mathématiques qui aborderont les leviers pour soutenir les élèves à résoudre des problèmes complexes
- par le biais d'indices visant à soutenir les interactions entre élèves notamment (com 1),
- par la mise en place d'un dispositif cognitif et métacognitif (com 2)
- avec le souci du développement du plein potentiel de chaque élève (com 3)
- par le biais du soutien au développement de compétences au travers d'évaluations formatives (com 4)
- par le biais du soutien des enseignants dans leur compréhension de l'algèbre (com 5).
Dans un second temps, trois communications s'ancrent dans le champ de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture avec une attention portée
- sur les effets de différents types de régulations en situation de révision textuelle (com 6)
- les gestes professionnels favorisant l'autorégulation en lecture (com 7)
- les leviers identifiés pour optimaliser le développement de la compétence scripturale (com 8)
Dans un troisième temps, la communication 9 proposera une lecture transversale de la question de la résolution de tâches complexes par le biais d'analyse des erreurs de productions d'élèves dans le contexte algérien.
Le quatrième et dernier temps de réflexion sera soutenu par la mise en évidence de convergences, de divergences des travaux présentés par notre discutant qui ouvrira le débat et nous permettre de répondre à nos questions de départ. Au fil de notre symposium, les questions posées nous permettront de mieux comprendre la problématique posée, en fonction du contexte, de la place des acteurs, de l'angle disciplinaire investi et de la démarche de recherche privilégiée.