La relation école famille (E-F) constitue un sujet de recherche abordé dans plusieurs disciplines : psychologie, sociologie, éducation etc. Elle attire l'attention des scientifiques car cette relation peut influencer entre autres, le développement social de l'enfant (Schneider et al., 2010; El Nokali et al., 2010), le développement des habilités cognitives (Broyon 2006 ; Gonzalez-DeHass et al., 2005) et les apprentissages académiques (Epstein, 2009; Fan et Williams, 2010). D'un point de vue sociologique, certains chercheurs (Dubet, 1997; Montandon, 1996; Thin, 2009; Périer, 2009) soulignent la complexité de la nature de la relation E-F du fait de l'ensemble de composantes come la culture, la confiance, la communication, les représentations, les rôles des acteurs (enseignant et parents) et les actions entreprises par ces acteurs dans l'éducation des élèves.
C'est à partir de ces composantes que plusieurs recherches (Millet et Thin, 2012; Dubet, 1997; Bouchard et Kalubi, 2003 ; Monceau, 2009) décrivent la relation É-F comme une « relation tendue », un « dialogue impossible », un « malentendu », un « contentieux », un « différend », un « partenariat obligé », soulignant que la relation entre école et famille ne s'inscrit pas d'emblée, spontanément, ni comme une collaboration ni comme un partenariat. Quelle forme cette relation peut-elle prendre dans le contexte actuel de la société occidentale, dont les institutions éducatives et les structures familiales n'échappent pas aux changements continuels provoqués par les migrations et la mobilité, les dynamiques du travail et des compétences, les types de familles modernes, la société numérique (OCDE, 2013)?
Les écrits au niveau empirique se penchent davantage sur l'implication des parents que l'implication des enseignants dans le cadre de la relation école-famille. L'implication parentale est construite à partir du rôle des parents, des activités parentales et des relations interpersonnelles dans les deux environnements : l'école et la maison (Epstein, 2009; Hoover–Dempsey et al, 1997/2005; Deslandes, 1996; Fantuzzo, 2013). Au niveau des études sociologiques et psychologiques, les écrits permettent de compléter ces dimensions avec des caractéristiques à partir du capital social et culturel de ces acteurs. Mitchel (2009) souligne que les parents et les enseignants, afin de constituer une communauté de pratique qui est un « groupe de personnes qui partagent une préoccupation, un ensemble de problèmes ou une passion pour un sujet, et qui approfondissent leur compréhension et leur connaissance de ce domaine en interagissant sur une base continue» (Wenger, McDermott et Snyder, 2002, p. 4), doivent valoriser les connaissances, les valeurs, les représentations et les expériences réciproques de l'un et l'autre. Cette vision est soutenue par le modèle bioécologique de Bronfenbrenner. Ce modèle caractérise « l'écologie de la scolarisation » comme un système organisé des interactions et des transactions entre les personnes (parents, enseignants, élèves) tout en prenant aussi en considération les caractéristiques autour de ces acteurs; les environnements (la maison, à l'école), et les institutions (communauté, gouvernements) qui sont orientées pour soutenir le développement et progrès de l'éducation des élèves. Quelles formes d'implication des parents et des enseignants interagissent dans le cadre de la relation école-famille pour favoriser ou non la réussite scolaire des élèves ?
La présente recherche en cours propose une étude mixte simultanée qualitative et quantitative. Pour répondre à la question de recherche, quelles sont les formes d'implication des parents et des enseignants pour soutenir la réussite scolaire, le dispositif s'appuie à la fois sur la triangulation des instruments de collectes de données (questionnaires, entrevues et bulletins) et des participants (parents, enseignants et élèves). Les sites de recherches sont constitués des classes de 3e, 4e, 5e, et 6e années du primaire de six écoles publiques et privées de la région de la Capitale Nationale (Québec). L'échantillon est constitué des enseignantes du primaire (n=30), des parents (n=200) et des élèves (n=200).
Parmi les résultats attendus de cette recherche figurent le fait que l'ouverture de l'école envers les parents demeure assez fragile ; que l'éducation des parents est un facteur-clé de leur implication dans le cheminement scolaire des élèves. Le dialogue et la confiance entre les acteurs, même s'ils sont théoriquement et intellectuellement soulignés comme des composantes fondamentales dans la construction des relations constructives, demeurent encore ambivalents pour les deux acteurs et cela est fortement influencé par l'origine sociale et les représentations des acteurs.
Le regard réflexif de la question de recherche s'inscrit dans le thème transversal Comprendre. La question de cette recherche a pu être affinée et orientée positivement à partir d'un regard réflexif issu des expériences professionnelles personnelles de la chercheure comme enseignante du primaire et ensuite comme chargée de cours au Département de l'enseignement et de l'apprentissage de l'Université Laval. De plus, l'école et la famille, deux institutions distinctes connaissent des changements provoqués par les mutations des structures sociales (mobilité sociale, types de familles, migrations) et par l'implication politique dans l'éducation, l'école constituant un enjeu sociopolitique pour l'État comme pour la société. Les deux postures de la chercheure, les enjeux dans la relation entre les enseignants et les parents et les échanges avec les acteurs sur le terrain ont permis non seulement de mettre en dialogue les savoirs issus de recherches scientifiques et les savoir-faire des acteurs sur le terrain, mais aussi de trouver et/ou de suggérer des façons de faire qui peuvent constituer des futures pistes d'actions entre les deux communautés : scientifique et pratique.
Bibliographie
Epstein, J. L. (2009). School, family, and community partnerships. Your handbook for Action. Thousand Oaks: Corwin Press.
Jeynes, W. (2012). A Meta-Analysis of the Efficacy of Different Types of Parental Involvement Programs for Urban Students. Urban Education, 47(4), 706-742. doi: 10.1177/0042085912445643
Larivée, S. (2011). L'établissement de relations école-famille collaboratives et harmonieuse. Dans Portelance, Borges et Pharand (dir.) La collaboration dans le milieu de l'éducation (p. 161-180). Québec : Presses de l'Université du Québec