4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Trajectoires scolaires d'élèves en difficulté adaptation ou d'apprentissage en enseignement secondaire
Philippe Tremblay  1@  
1 : Université Laval [Québec]  (UL)  -  Site web
2325, rue de l'Université Québec G1V 0A6 -  Canada

Au Québec, il y a maintenant une quinzaine d'années, une nouvelle politique de l'adaptation scolaire (MEQ, 1999) a été adoptée. En plus de favoriser la scolarisation des élèves à besoins spécifiques en classe régulière, la Politique québécoise de l'adaptation scolaire a également adopté une approche non catégorielle pour l'identification des élèves ayant des troubles d'apprentissage, des troubles légers et modérés du comportement, ou une déficience intellectuelle légère (MEQ, 2000; 2003a). Ainsi, pour cette population, appelée élèves en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage (EDAA), aucun diagnostic n'est demandé. La décision d'offrir un Plan d'intervention (PI), ouvrant l'accès à des services spécialisés (ex. : orthopédagogie) et des adaptations lors des apprentissages et de l'évaluation, revient, au final, à la direction de l'école (MELS, 2004).

Aujourd'hui, plus de 20 % des élèves québécois des écoles publiques sont considérés comme EHDAA (élèves handicapés ou en difficultés d'adaptation et d'apprentissage), contre 10 % lors de la mise en œuvre de cette politique en 2000 (MELS, 2015). Les ¾ de ces élèves sont des EDAA. Près de 70 % des élèves EHDAA sont intégrés en classes régulières au primaire, contre 50 % au secondaire (Bélanger, 2010 ; MELS, 2015). Pour les élèves du secondaire en difficulté d'adaptation ou d'apprentissage ayant un grand retard scolaire, il existe, pour les trois premières années, des classes de cheminement particulier (classes spéciales au sein d'écoles ordinaires), qui sont fréquentées à temps plein ou partiel par ces élèves en grandes difficultés. Il y a 5 années en enseignement secondaire au Québec. Après ces trois années, les élèves peuvent également rejoindre les filières professionnelles (MELS, 2006). Ainsi, bien que la scolarisation en classe régulière soit privilégiée, le recours aux classes spéciales est possible, sous certaines conditions. 

Cette communication traite des travaux visant à décrire et analyser les trajectoires scolaires de l'ensemble des EDAA québécois ayant quitté l'enseignement primaire (juin 2007) vers l'enseignement secondaire (septembre 2007) avec un plan d'intervention (n = 15 233). Très peu de travaux ont étudié cette question dans le contexte québécois, surtout de manière longitudinale (Rousseau, Tétreault, Bergeron & Carignan, 2007). Utilisant les données du ministère de l'Éducation portant sur le type de classe fréquentée, la présence d'un plan d'intervention, la diplomation, etc., une enquête longitudinale a été réalisée sur 6 années scolaires. Ces données caractérisant le parcours scolaire sont associées aux différentes caractéristiques des élèves : sexe, la langue d'enseignement et la région/commission scolaire, pays de naissance, etc. Une analyse statistique descriptive a été effectuée sur les données.

Les résultats montrent que 20,8 % des élèves perdent leur plan d'intervention (PI) une fois entré en secondaire, c'est-à-dire qu'ils perdent par le fait même les services spécialisés et le droit à des adaptations pédagogiques. Ce taux chute à 75,7 % la 2e année et à 72,9 % la 3e année. Par la suite, ce taux chute encore à 65,6 % puis 47,9 % après 5 ans. Toutefois, après la 3e année, les élèves peuvent choisir des filières de formation professionnelle ou le secteur des adultes qui n'offre pas de PI. Par ailleurs, 12,6 % des élèves ont quitté le système scolaire.

Avant l'entrée en secondaire, 72.2 % étaient dans une classe régulière primaire à temps plein. Les autres élèves fréquentaient, à temps plein ou partiel, une classe ou une école spécialisée primaire. Lors du passage vers l'enseignement secondaire, seulement 36,7 % des élèves seront orientés en classe régulière à temps plein. Ce taux de fréquentation de la classe régulière va chuter pour atteindre 21.2 % cinq années après la sortie. Toutefois, un taux important d'élèves classés comme « Indéterminés » 20,8 % à 25,4 % selon les années demandent des investigations supplémentaires auprès du Ministère de l'Éducation.

Les élèves sont massivement inscrits en parcours général en 1re et 2e année après la sortie (100 % et 99 %). Cette situation est logique, car il n'est pas possible de fréquenter une filière professionnelle avant la fin de la 3e année (ou 15 ans) et il n'existe pas de parcours spécialisé, proprement dit, à ce niveau scolaire, pour ces élèves. Ainsi, à partir de la 3e année, cette proportion d'élèves en parcours général chute à 77,9 %, 55,4 % en 4e année et 48 % en 5e année ; les autres s'orientant vers des filières professionnalisantes. En ce qui concerne la diplomation, 31,2 % des élèves obtiendront une certification quelconque (diplôme d'études secondaires, attestation professionnelle, etc.) dans le temps prescrit ; dont 18,9 % ont un diplôme d'études secondaires général. On remarque également des différences d'orientation selon le sexe, la langue d'enseignement et la région/commission scolaire (à venir). Ces résultats viennent tout d'abord apporter un éclairage nouveau sur certains résultats de cette politique de scolarisation des élèves à besoins spécifiques. À ce sujet, ils viennent également nuancer les chiffres avancés par le MELS sur le taux d'intégration en enseignement secondaire. On remarque, en effet, que les taux d'intégration évoluent fortement selon les années, les régions, etc. Ces résultats sont enfin à mettre en relation avec les forts taux d'identification rencontrés au Québec (21 % d'EHDAA). Cela questionne d'une part l'approche non-catégorielle et d'autre part, les dispositifs mis en œuvre pour ces élèves. Toutefois, certaines données restent à confirmer auprès du ministère (taux de décochage très bas, « Indéterminés », etc.). 


Personnes connectées : 1