A l'issue d'un travail d'enquête portant sur un dispositif d'accompagnement vers la formation et l'emploi de jeunes considérés comme « éloignés de l'emploi », son directeur général s'emportait contre le rapport final remis au motif qu'il donnait de son dispositif et des agents chargés de le mettre en œuvre au quotidien l'image d'une secte cherchant à laver le cerveau des jeunes. Nous avions, ce jour-là, protesté contre cette interprétation de notre travail : nous n'avions fait qu'identifier les logiques et les mécanismes de formation de cette entreprise pédagogique comportant nécessairement un aspect de façonnement des individus en fonction de normes sociales données. Malgré cela, les portes de l'organisme nous étaient définitivement fermées, son directeur général demandant, sous nos yeux, aux chefs de service rassemblés d'y veiller. Le dispositif que son organisme était chargé de gérer ne prétendait-il pas pourtant influencer profondément les jeunes dans leurs manières d'être, leurs manières de vivre se donnant pour objectif dans sa documentation interne de permettre aux jeunes de faire leur propre « révolution culturelle » ? Ne s'agissait-il pas de les conduire à rompre avec un mode de vie considéré comme empêchant l'acquisition de ressources nécessaires à l'accès à la formation et à l'emploi ? En même temps que cette communication sera l'occasion de faire le bilan d'investigations empiriques conduites dans plusieurs dispositifs visant à accompagner vers la formation et l'emploi une cible donnée de jeunes (école de la deuxième chance (E2C), Etablissement public d'insertion dans l'emploi (EPIDE), actions de formation des Apprentis d'Auteuil) et de pointer les traits saillants communs à l'ensemble de ces dispositifs en matière de prise en charge de ces jeunes, elle permettra également de réfléchir aux rapports que les productions savantes entretiennent aux institutions dans le domaine de la formation qu'elles prennent pour objet. Nous préciserons comment est organisée l'action que ces dispositifs s'efforcent d'avoir sur les jeunes supposant toujours que celle-ci, dans ses objectifs, n'est pas superficielle mais consiste bien à instituer des acteurs en les socialisant d'une manière particulière par référence aux principes déclarés de l'activation (« empowerment ») mais aussi à ceux, implicites, de la « pédagogie clandestine » des rapports entre jeunes et formateurs.

Astier, I. (2007). Les nouvelles règles du social. Paris : PUF.

Bourdieu, P. (2015). Sociologie générale. Paris : Seuil.

Frétigné, C. (2013). Les impensés de la mesure. Evaluer les parcours de formation et d'insertion. Paris : EPU.