4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Le « micro-lycée », un dispositif scolaire pour faire raccrocher d'anciens décrocheurs.
Filippo Pirone  1@  
1 : Université Paris Descartes
CRI

Le micro-lycée est un dispositif scolaire au statut dérogatoire, créé en 2000, qui fait partie de la Fédération des Etablissements Scolaires Publics Innovants (FESPI) et qui a comme objectif principal la ré-scolarisation jusqu'à l'obtention du baccalauréat d'individus volontaires âgés de 18 à 25 ans étant sortis du système scolaire pendant au moins six mois. Au travers de l'étude du fonctionnement de ce dispositif et des pratiques et des discours de ses acteurs, la recherche vise à analyser les raisons socio-historiques de sa création et de son institutionnalisation, ses dimensions de continuité et de discontinuité par rapport à la « forme scolaire » de longue durée (Vincent, 1980 ; Rockwell, 2000 ; Maulini et Perrenoud, 2005) ainsi que ses effets sur les trajectoires des jeunes qui y sont affectés.

Pour accomplir cet objectif, la recherche menée au sein d'un « micro-lycée » francilien de la fin de l'année scolaire 2008-2009 jusqu'en décembre 2012 explore la question suivante : dans quelle mesure le dispositif micro-lycée répond au récent besoin social de « raccrocher les décrocheurs » ?

La méthodologie déployée est à dominante qualitative (entretiens semi-directifs, en confrontation croisée et en auto-confrontation avec des élèves et des enseignants, observations in situ) et s'enrichit de démarches quantitatives (questionnaires soumis à la totalité des enseignants et à une cohorte d'élèves, analyse des trajectoires socio-scolaires de trois cohortes d'élèves).

Une partie des résultats montre que le dispositif, typique du « nouvel âge de l'organisation scolaire » (Barrère, 2013), est en mesure de compenser en partie les difficultés d'une école contemporaine souvent dépourvue de solutions à proposer pour les jeunes victimes de « ruptures scolaires » (Millet et Thin, 2005), question considérée pluri-latéralement comme urgente. En effet, son fonctionnement réinterroge les boîtes noires de l'école, en proposant un modèle pédagogique capable de revaloriser les identités, les expériences et les compétences de ses élèves et en tissant des modalités d'actions centrées sur des relations horizontales avec les exigences de la secondarisation des savoirs relevant de la verticalité de la forme scolaire. Ces résultats montrent aussi que la mobilisation de ce modèle de la part des élèves produit des effets inégaux sur ces derniers : si environ 80 % arrivent à profiter de cette « deuxième chance », les 20 % restant se retrouvent confortés dans l'idée qu' « ils ne sont pas faits pour l'école », le micro-lycée pouvant produire chez certains élèves une difficulté supplémentaire à incorporer les exigences, les contraintes et les dispositions sociocognitives nécessaires aux processus d'appropriation des savoirs.

Notre démarche a été guidée par le souci de pouvoir trouver des interprétations sociologiques qui puissent articuler des dimensions d'investigation n'ayant pas la même focale : celles macro et celles micro faisant ainsi écho à l'une des questions centrales du colloque : ne sommes-nous pas amenés à « négliger les recherches en contexte ou à découper à l'infini le "réel" pour construire des objets de plus en plus circonscrits ? ».

Perrenoud, P., Maulini, O. (2005). La forme scolaire : permanences et évolutions. Bruxelles : De Boeck.

Millet, M., Thin, D. (2005). Ruptures scolaires. L'école à l'épreuve de la question sociale. Paris : PUF.

Vincent, G. (1980). L'école primaire française. Lyon : Presses universitaires de Lyon.


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