L'interprétation de la généralisation de l'enseignement secondaire en France dans les termes d'une massification scolaire indistincte contribue à occulter l'existence actuelle de nombreux dispositifs scolaires, hors ou post scolaires (micro-lycée, Ecole de la deuxième chance (E2C), Epide (Etablissement public d'insertion dans l'emploi), actions de formation des Apprentis d'Auteuil, etc.) visant à prévenir du décrochage scolaire (Bernard, 2015) ou à réduire ses effets par l'insertion sociale et professionnelle via un « mode de socialisation post-scolaire » (Dubar, 1987 ; Denecheau, Houdeville, Mazaud, 2015 ; Zaffran, 2015). Par ailleurs, ceux-ci ne se laissent, par ailleurs, comprendre qu'à la condition de les replacer dans le contexte de l'avènement d'une société des diplômes (Millet & Moreau, 2011), ces derniers étant présentés à la fois comme constituant la meilleure barrière contre le chômage ou les positions les plus précaires dans le système d'emploi et renforçant le stigmate (et les difficultés) de ceux qui n'en ont pas.
Ce symposium souhaite (s') interroger (sur) les trajectoires, les situations et les rapports à l'école, aux dispositifs de « formation » des jeunes dont le passage en dispositif constitue une étape (relativement courte) dans leur parcours. Quels itinéraires social et scolaire ont-ils connus auparavant ? Comment sont-ils venus aux / ont-ils été conduits vers les dispositifs ? Quelles attentes nourrissent-ils et quelles pratiques mettent-ils en œuvre ? Celles-ci concordent-elles toujours avec la disponibilité requise pour suivre les actions de « formation » programmées dans la perspective de l'obligation de leur engagement et leur « empowerment » ? Avec celles des agents chargés de les « accompagner » ? Ces agents se positionnent à la fois en rupture avec l'institution scolaire, ses valeurs et ses normes, par l'usage de pédagogies « différentes » conçues comme innovantes au sein d'espaces et de temporalités différents de la forme scolaire traditionnelle (Barrère, 2013), par la revendication d'autres modèles de réussite mais aussi, paradoxalement, en continuité avec elle : plusieurs formateurs de ces dispositifs ont des expériences professionnelles d'enseignements et reproduisent des méthodes pédagogiques, visent les mêmes objectifs par une pédagogie du détour, etc. Qu'est-ce que sont finalement ces dispositifs ? Comment caractériser leurs modalités de fonctionnement, leurs actions au regard des institutions scolaires, de celles de l'emploi ? Constituent-t-ils véritablement des alternatives ─ on sait que c'est un vocabulaire qu'emploient les promoteurs de ces dispositifs ─ ou bien ne sont-ils finalement que des structures permettant, sous des formes socialement acceptables, la pérennisation en l'état des rapports sociaux ?
Enfin, nous pensons que le thème retenu se prête particulièrement bien à un retour sur les travaux qui ont d'ores et déjà été conduits sur le sujet et les formes de réception ─ et la façon dont les chercheurs les comprennent ─ qu'ils ont suscitées, reprenant à notre compte les réflexions d'un Howard Becker par exemple autour de la question de savoir « de quel côté sommes nous ? » (Becker, 2006).
Berthet, Thierry et Zaffran, Joël (dir) (2014). Le décrochage scolaire : enjeux, acteurs et politiques de lutte contre la déscolarisation. Rennes : PUR.
Denecheau, Benjamin, Houdeville, Gérald et Mazaud, Caroline (dir) (2015). A l'école de l'autonomie. Epreuves et enjeux des dispositifs de deuxième chance. Paris : L'Harmattan.
Dubar, Claude, (1987). L'autre jeunesse : des jeunes sans diplôme dans un dispositif de socialisation. Lille : Presses Universitaires de Lille.
Millet, Mathias et Moreau, Gilles (dir) (2011). La société des diplômes. Paris : La Dispute. Etat des lieux.