Cette communication s'inscrit dans le champ de la recherche biographique en formation des adultes, initiée par des chercheurs dans le champ francophone comme Pineau & Le Grand (1993) ou Dominicé (2007) : il s'agit de décrire et analyser les processus de formation de l'adulte en les situant dans le contexte particulier des parcours de vie propres à chacun. Ces recherches portant sur les « histoires de vie » rencontrent d'autres travaux principalement menés en sociologie (par exemple Bessin, 2009 ; Dubar, 2012) et en sciences politiques (Rosanvallon, 2013) qui présentent trois dimensions communes : (i) le recours au plan empirique à des témoignages, recueillis ou suscités avec soin, et dont la valeur est jugée comme essentielle pour la production de connaissances ; (ii) une interrogation sur les facteurs à l'œuvre dans la forme des parcours de vie, où travaillent en tension des phénomènes de reproduction sociale et d'autres relevant des initiatives propres à l'individu singulier ; (iii) une élaboration du travail scientifique qui privilégie le travail inductif par la montée progressive en généralité à partir des données recueillies.
Dans le contexte francophone, les histoires de vie ont été investies comme des supports de démocratisation de la formation ou de l'émancipation de la personne. Le récit est abordé simultanément comme une source de connaissance et un support de réflexivité individuelle. Dans une telle perspective, former un individu est tout autant un programme psychologique qu'une ambition politique : il n'y a pas d'antinomie entre le développement de la personne et la formation de l'acteur social.
Dans cette communication, nous voudrions discuter le rapport entre pouvoir d'action et intentionnalité. Les récits de vie à disposition permettent en effet d'observer ce qui relève de l'initiative du sujet. On est ainsi conduit au cœur d'une théorie de l'action propre au travail narratif (Ricoeur, 1984), quels sont les motifs et intentions de la personne à tel ou tel moment de son histoire. L'intentionnalité est le corrélat indispensable aux pouvoirs d'action toujours situés (Zimmerman, 2011) du sujet. La communication abordera cette problématique de l'intentionnalité, en la thématisant à partir de verbatim provenant des récits de vie étudiés.
Le cadre institutionnel et empirique est le suivant. Il existe depuis quelques trente ans au sein de notre université, dans le cadre d'un cursus en sciences de l'éducation, un séminaire optionnel de recherche intitulé « Histoires de vie et processus de formation des adultes », où des étudiants, âgés de 23 à 50 ans en moyenne, produisent leurs récits de vie sur la base du questionnement général suivant : repérer les dimensions formatives de sa propre histoire. Quelques 600 récits ont été ainsi produits durant ces 30 dernières années : ils constituent la base empirique de nos recherches.
Bibliographie
Bessin, M. (2009). Parcours de vie et temporalités : quelques éléments de problématique. Informations sociales. 156/6. 12-21
Dominicé, P. (2007). La formation biographique. Paris : l'Harmattan.
Dubar, C. (2012). Le secret d'Alvino. Récits de vie d'un Indien du Brésil. Paris : Les Belles Lettres.
Pineau, G. & Le Grand, J.-L. (1993). Les histoires de vie. Paris : PUF.
Ricœur, P. (1984). Temps et récit. 2. La configuration dans le récit de fiction. Paris : Seuil, Coll. Points.
Rosanvallon, P. (2013). Le parlement des invisibles. Paris : Seuil.
Zimmermann, B. (2011). Ce que travailler veut dire. Paris : Economica.
Regard réflexif
Cette communication peut s'intégrer dans la problématique comprendre, où l'accent sera mis alors sur le bienfondé de s'interroger sur le pouvoir d'agir du sujet, ou dans l'axe proposer, en privilégiant les problèmes de publication de recherches s'appuyant sur l'analyse de témoignages.