4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
PROPOSER DES PISTES DE REPONSES SOULEVE DE NOUVELLES QUESTIONS...
Pascal Carron  1@  
1 : Université de Fribourg / Centre d'enseignement et de recherche francophone pour l'enseignement au secondaire 1 et 2  (UNIFR/CERF)  -  Site web
Rue P. A. de Faucigny 2 CH - 1700 Fribourg -  Suisse

Enseigner en Lycée professionnel et Collège durant plus de vingt ans ; animer des modules de formation continue d'adultes, puis intervenir à l'Université en formation initiale à l'enseignement auprès de d'étudiants-stagiaires se destinant à la pratique en Collège et/ou Lycée. Mais aussi, réaliser une thèse de doctorat en Sciences de l'éducation...

Quels processus et facteurs ont pu conduire à la mise en œuvre de ce questionnement sous-tendant cette recherche doctorale ? En quoi ces questions et les pistes de réponses proposées sont-elles pertinentes ? Les enjeux institutionnels supposés, mais aussi les enjeux plus immédiats – pour les collègues, pour les étudiants-stagiaires – peuvent-ils être associés à nos enjeux personnels ?

Enfin, ces « positions enchevêtrées du praticien-qui-devient-chercheur » (Kohn, 2001), postures que nous revendiquons dans notre pratique enseignante et dans notre pratique de chercheur, sont-elles véritablement soutenables et reconnues ?

En évoquant les questions auxquelles nous avons cherché réponse, ce sont bien de nouvelles questions que nous mettons ici à jour ; comprendre, évaluer et proposer ne va pas sans (se) questionner bien plus que (se) répondre.

I. Résumé de la recherche

Cette recherche vise d'abord à décrire un contexte de formation – à l'aide de modèles empruntés à Bronfenbrenner (1986) et Phelan (1999) – et sa perception par les étudiants-stagiaires et, surtout, à mettre en lumière et comprendre dans quelle mesure et dans quelles conditions les représentations, conceptions et croyances des étudiants-stagiaires évoluent durant ce cursus. On sait combien les représentations mentales des futurs enseignants sont difficiles à modifier ; Crahay & al. (2010) et Boraita & Crahay (2014), entre autres, l'ont clairement montré.

Cette question et trois sous-questions de recherche sont intégrées de façon dynamique (cf. Bataille, 1983) au « site de l'action, de la praxis » et au « site de la recherche » (de la cohérence), comme dans leurs interactions par le « site de la recherche – action proprement dite ».

Une méthode mixte de recherche a été mise en œuvre au travers 1° de questionnaires standardisés à l'ensemble de la population (env. cent participants) – Biggs & al. (2001) ; Pratt, D. & Collins, J. (1998) – auxquels ont été adjoints des questions ouvertes, puis 2° de quatorze entretiens individuels et 3° d'analyse de savoirs narratifs auprès de sept étudiants (carnet de bord rédigés sur une période de quatre mois). Le recueil de données de cette recherche longitudinale évaluative à fin d'amélioration s'est, au total, étendu sur seize mois.

L'analyse de ces données met en évidence de nombreuses et fortes modifications des représentations des étudiants futurs enseignants, sur l'apprentissage, l'enseignement et la gestion de l'hétérogénéité ; en particulier, les réponses aux questions ouvertes et l'analyse des entretiens et carnets de bord permettent de grandement nuancer les résultats des questionnaires normalisant vers une tendance centrale les profils des participants. La place nous manque ici pour présenter plus avant ces résultats. A l'issue de cette thèse, des recommandations sont formulées à l'intention des différents acteurs de la formation et des pistes de développement pour la cohérence globale de la formation sont proposées.

Nous nous inscrivons ainsi dans un champ d'études volontairement restreint et fortement lié à l'analyse d'une formation située au cœur de l'action, cherchant à développer « une pratique de recherche articulée à [nos] interventions en formation ou en développement pédagogique » (Charlier, 2005, p.259). Il nous a toujours semblé essentiel, en tant que formateur d'enseignants, d'offrir une pratique en adéquation avec notre discours théorique ; de même notre posture de chercheur a été d'emblée envisagée comme intégrée à notre action formatrice.

Ce temps de recherche est sans doute rendu complexe par cette posture de praticien-chercheur analysant sa propre pratique et ses implications sur « ses » étudiants ; ainsi que l'évoque Kohn en 1986 (p.825) :

En réduisant le réel, en adoptant une position qui fait sortir du sens commun et partagé, et qui amène à interpréter les comportements de personnes proches, les praticiens-chercheurs se vivent fréquemment en « traître » ou en « déserteur »(...)

 

Les mots de Kohn sont forts, mais ils expriment bien la difficile posture de celui qui accepte de se poser en tant que chercheur réfléchissant sur l'objet de sa propre pratique de formateur. Deux ans après la publication de cette thèse de doctorat, le regard réflexif tend à se poser plus sur le processus que sur la production. Il nous semble faire sens de mettre en œuvre un questionnement plus fondamental sur la nécessité – ou non ? – du développement de la posture du praticien-chercheur dans le cadre d'une formation à l'enseignement.

II. Proposer...

Deux axes de questionnement dès lors :

1° Les enjeux institutionnels supposés, mais aussi les enjeux plus immédiats – pour les collègues, pour les étudiants-stagiaires – sont-ils véritablement liés aux évidents enjeux personnels ?

2° Ne serait-il dès lors pas plus simple de distinguer complètement notre pratique enseignante de notre travail de chercheur ? N'y a-t-il pas risque de limiter notre liberté de formateur par le carcan scientifique qu'impose la posture distante de la recherche ?

Le risque, finalement, n'est-il pas de devenir triplement traître ?... Traître à l'institution – et à nos collègues formateurs –, traitre à la recherche en sciences de l'éducation et, finalement, traître à soi-même... 

Références

Bataille, M. (1983, juin-juillet). Méthodologie de la complexité. Pour, pp. 32-36.

Biggs, J.B., Kember, D., et Leung, D.Y.P. (2001). The Revised Two Factor Study Process Questionnaire: R-SPQ-2F. British Journal of Educational Psychology, 71, 133-149.

Boraita, F & Crahay, M. (2014). « Les croyances des futurs enseignants : est-il possible de les faire évoluer en cours de formation initiale et, si oui, comment ? », Revue française de pédagogie, 183, pp.99-158.

Bronfenbrenner, U. (1979). The Ecology of Human Development: Experiments by Nature and Design. Harvard University Press.

Charlier, B. (2005). Parcours de recherche-action-formation. Revue des sciences de l'éducation, 31, pp. 259-272.

Crahay, M., Wanlin, Ph., Laduron, I. & Issaieva, E., (2010). Fonctions, origines et évolution des croyances des enseignants. Revue française de pédagogie. 172 (juillet-août-septembre), pp. 85-129.

Kohn, R. C. (2001). Les positions enchevêtrées du praticien-qui-devient-chercheur. Dans M.-P. Mackiewicz (ed), Praticien et chercheur. Parcours dans le champ social (pp. 15-38). Paris: L'Harmattan.

Phelan, P. (1999). Students' Multiple Worlds : Negotiating the Boundaries of Family, Peer, and School Cultures. Anthropology et education quarterly, 22, pp. 224-250.

Pratt, D. et Collins, J. (1998). The Teaching Perspectives Inventory (TPI). (C. University of British Columbia, Éd.) [en ligne] à http://bitly.com/LZGBti


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