4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Les facteurs qui influencent la réussite académique dans la filière technologique universitaire française.
Laurent Lardy  1@  
1 : Laboratoire des Sciences de l'Education Universités Grenoble Alpes  -  Site web
Université Pierre Mendès-France - Grenoble II
Université Pierre-Mendès-France, BP 47 38040 Grenoble Cedex 9 -  France

Cette recherche explore les facteurs explicatifs de la réussite académique durant la première année d'étude supérieure dans la filière technologique de l'université française, les Instituts Universitaires de Technologie (IUT).
Cette filière – création des IUT et des baccalauréats technologiques – a été pensée il y a 50 ans pour offrir une poursuite d'étude distincte des filières universitaires classiques et former des cadres intermédiaires. L'évolution des effectifs des IUT ces 20 dernières années montre pourtant un pourcentage croissant de bacheliers généraux au détriment des bacheliers technologiques. N'y a-t-il pas là un hiatus entre la volonté de construire une filière technologique ambitieuse et la difficulté des bacheliers technologiques d'y réussir ? Dans la perspective de l'égalité des chances et de l'égalité de résultat (Dubet, 2009), l'effet direct du profil socio-démographique et académique sur les résultats diminue-t-il avec le temps ? L'objectif de cette étude est d'apporter des éléments de compréhension de la réussite des étudiants à l'IUT, en particulier en fonction du baccalauréat obtenu. Il s'agit donc d'établir un modèle explicatif de la réussite en première année d'IUT. Quatre familles de variables ont été intégrées : l'itinéraire socio-démographique et académique, l'interprétation du contexte académique et social (Neuville, Frenay, Noël, & Wertz, 2013; Skinner & Belmont,1993), la motivation (Bandura, 2007; Deci & Ryan, 2004; Elliot & Mc Gregor, 2001; S Neuville, Frenay, & Bourgeois, 2007), les stratégies et les affects liés l'apprentissage (Cosnefroy, 2011; Entwistle & Peterson, 2004).
Les étudiants (n=1400) sont issus de 4 cursus d'IUT : GEA (Gestion des Entreprises et des Administrations), TC (Techniques de Commercialisation), GEII (Génie Électrique et Informatique Industrielle), GMP (Génie Mécanique et Productique). Ils ont répondu à 3 reprises à un questionnaire sur leur trajectoire socio-démographique et académique, leur motivation (autodétermination, sentiment d'efficacité personnelle, valeur et buts d'accomplissement), leur perception du contexte (intégration sociale et le climat enseignant), leurs stratégies et affects liés à l'apprentissage (style d'apprentissage, métacognition, régulation des ressources, anxiété). L'objectif est de construire un modèle explicatif parcimonieux de l'influence de ces familles de variables sur la réussite en fin de première année, mesurée par la moyenne obtenue. Les données recueillies ont fait l'objet d'une analyse multiniveau systématique par famille de facteurs : niveau interindividuel et groupe classe (n=50).
Au niveau interindividuel, le passé scolaire a un impact important sur les résultats de la première année : les bacheliers technologiques sont moins performants que les bacheliers scientifiques et ont plus de mal à progresser que ces derniers durant le second semestre. Beaucoup des variables mesurées possèdent un effet sur les performances, peu conservent un effet marginalement au passé scolaire. La motivation montre une influence positive sur les résultats marginalement à ce passé scolaire. La grandeur de l'effet mesuré ne permet pas d'espérer compenser les différences dues au passé scolaire par l'accroissement de la motivation. Parmi les comportements, seuls l'apprentissage en surface et la régulation des ressources conservent une influence marginalement au passé scolaire et à la motivation. Les grandeurs des effets permettent de compenser les différences de progression issues du passé scolaire par une évolution conjointe de la motivation et des comportements. Au niveau intergroupe, le niveau moyen de la mention au baccalauréat et le niveau moyen de l'anxiété ont un effet négatif sur les résultats. L'effet délétère du niveau moyen de mention au baccalauréat pourrait être un effet du type BFLPE (Big-fish-little-pond effect, Seaton, Marsh, & Craven, 2010) ou l'effet d'une différenciation de la notation en fonction du niveau perçu du groupe (Bressoux & Pansu, 2003). La significativité de l'anxiété semble montrer que les émotions influencent d'autant les résultats qu'elles sont partagées par le groupe-classe.
Les résultats semblent indiquer une difficulté accrue pour les bacheliers technologiques. Les variables processuelles et comportementales intégrées dans les modèles ne parviennent pas à en expliquer complètement les causes. Cette étude fournit cependant des leviers pour remédier à une différence de progression tout en soulignant qu'aucun de ces leviers ne peut suffire à lui seul pour compenser l'effet du passé scolaire.

À quelles questions cherchons-nous réponse ?
Les éléments de compréhension de la réussite apportés par cette étude font écho aux injonctions faites aux IUT par le gouvernement français en 2001 et en 2013 d'accueillir plus largement les bacheliers technologiques. Cette recherche tente d'évaluer la pertinence d'une réponse socio-cognitive au défi de l'égalité des résultats, elle s'attache par ce biais à défendre la mixité sociale des filières et des établissements.

Bibliographie

Bandura, A. (2007). Auto-efficacité : le sentiment d'efficacité personnelle. De Boeck Université

Bressoux, P., & Pansu, P (2003). Quand les enseignants jugent leurs élèves. Presses universitaires de France.

Cosnefroy, L. (2011). L'apprentissage autorégulé: entre cognition et motivation. Presses universitaires de Grenoble.

Deci, E. L., & Ryan, R. M. (Éd.). (2004). An Overview of Self-Determination Theory : An Organismic-Dialectical Perspective. In Handbook of self-determination research. The University of Rochester Press.

Dubet, F. (2009). Penser les inégalités scolaires. In M. Duru-Bellat & A. Henriot-Van Zanten (Eds.), Sociologie du système éducatif: les inégalités scolaires (pp. 16–34). Presses universitaires de France.

Elliot, A. J., & Mc Gregor, H. A. (2001). A 2 x 2 Achievement goal framework. Journal of Personality and Social Psychology, (80), 501‑519.

Entwistle, N. J., & Peterson, E. R. (2004). Conceptions of learning and knowledge in higher education : Relationships with study behaviour and influences of learning environments. International Journal of Educational Research, (41), 407 ‑ 428.

Neuville, S., Frenay, M., & Bourgeois, E. (2007). Task Value, Self-Efficacy and Goal Orientations: Impact on self-regulated learning, choice and performance among university students. Psychologica Belgica., 47(1), 95.

Neuville, S., Frenay, M., Noël, B., & Wertz, V. (Éd.). (2013). Persévérer et réussir à l'université. Louvain-la-Neuve, Belgique: UCL Presses universitaires de Louvain.

Seaton, M., Marsh, H. W., & Craven, R. G. (2010). Big-Fish-Little-Pond Effect : Generalizability and Moderation - Two sides of the same Coin. American Educational Research Journal, 47(2), 390 ‑ 433.

Skinner, E. A., & Belmont, M. J. (1993). Motivation in the classroom: Reciprocal effects of teacher behavior and student engagement across the school year. Journal of Educational Psychology, 85(4), 571–581.

 


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