4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Ancrages et étayages pour le sujet et au sein des groupes : enveloppes et modalités du lien
Françoise Hatchuel  1@  
1 : Centre de recherches Education Formation - Equipe savoir, rapport au savoir et processus de transmission  (CREF - Equipe SRSPT)  -  Site web
Université Paris Ouest Nanterre La Défense : EA1589
Université Paris Ouest 200 av de la République 92001 Nanterre Cedex -  France

Ce symposium s'inscrit dans la continuité des travaux de Didier et Annie Anzieu (1987) et Didier Houzel (1994 et 2005) qui nous permettent de définir la notion d'enveloppe comme le contenant au sein duquel se met en place une certaine stabilité. En 1994, Didier Houzel précise que c'est au sien de cette enveloppe que se met en place la fonction contenante (au sens de Bion) c'est-à-dire le « processus de stabilisation de mouvances pulsionnelles et émotionnelles qui permet la création de formes psychiques douées de stabilité structurelle » (p. 31). Les enveloppes sont les espaces, réels ou symboliques, au sein desquels ces processus peuvent avoir lieu. La notion est donc très clairement définie dans une acception psychanalytique, mais elle possède en même temps mais grande puissance heuristique et nous la mettrons à l'épreuve d'autres épistémologies, notamment anthropologique. Dans cette perspective, la définition que les philosophes Ludwig Wittgenstein et John L. Austin font du langage comme lieu d'échange d'une « forme de vie » et comme performativité nous permet de considérer le langage comme enveloppe, au sens où il permet de transformer ou au contraire de figer le réel. Le regard anthropologique permet alors d'identifier et de caractériser au moyen d'indices linguistiques les conditions de stabilité des « formes psychiques ».

Nous pensons que ces "créations de forme" font partie des enjeux fondamentaux des processus éducatifs et formatifs, et qu'une meilleure connaissance de la façon dont elles se mettent en place peut aider les éducateurs/trices (au sens large) et formateurs/trices à mieux comprendre ce qui se joue entre eux/elles et les sujets acccompagnés.

En effet, le concept d'enveloppe s'applique en premier à l'enveloppe psychique du Moi, c'est-à-dire à la façon dotn el sujet cosntruit sa propre enveloppe, mais il s'étend, toujours en s'appuyant sur la question des processus de stabilisation, aux enveloppes groupales, familiales et institutionnelles, et donc aux différents dispositifs que les acteurs/tices, peuvent mettre en place. Le symposium se propose ainsi d'interroger à la fois ce qui pourrait « faire enveloppe » pour le sujet, et des éléments de la façon dont cette enveloppe se constitue, à partir d'une hypothèse : l'enveloppe psychique de chacun-e se construirait à partir de l'intériorisation d'éléments de stabilité trouvés dans l'environnement et elle est ce sur quoi s'appuie la « capacité à investir » (voir Aulagnier 1982/1986) du Je, lui permettant de lutter contre sa propre destructivité. Il s'agira donc de repérer comment chacun-e de nous trouve et transmet, notamment au sein des espaces éducatifs et formatifs, les appuis qui lui permettent de mettre en place de la stabilité, l'hypothèse étant que ces éléments peuvent être multiples, mais que des processus similaires, pour lesquels nous essaierons de donner certains indicateurs, sont à l'oeuvre dans la façon d'investir des appuis aussi divers que, par exemple, le corps, la langue, le territoire, le groupe (dans ses dimensions institutionnelles et/ou familiales), les rituels ou les savoirs. Une attention particulière sera portée aux pratiques professionnelles et à ce qui peut les soutenir, ainsi qu'aux éléments qui « désenveloppent » parmi lesquels nous pensons pouvoir repérer les injonctions et procédures desubjectivantes.

Si l'on suit ce raisonnement, une telle approche intéresse les sciences de l'éducation car l'enveloppe psychique peut alors être vue comme ce qui va permettre au sujet de grandir et de franchir des étapes, mais aussi ce sur quoi il va pouvoir s'appuyer pour transmettre et faire grandir. Nous nous intéresserons plus particulièrement à ce qui se joue à deux moments-clés de la vie : la petite enfance et le passage à l'âge adulte, au moment où la place sociale doit se trouver.

Lors de leurs communications, Greyce Carvalhas et Evelyne Pivard Boubakri se centreront sur le lien mère-enfant, en l'articulant à la question de la langue, celle-ci étant entendu dans sa double signification d'idiome national défini et de discours d'un sujet en instituant un autre. Ces deux communications pourront être regroupées en une seule si les organisateurs souhaitent que soit respecté le maximum de deux communications issues du même laboratoire. Konstantinos Markakis évoquera la façon dont un enseignant spécialisé trouve des appuis pour faire face à ses « élèves étranges » , y compris en se référant à son sentiment de solitude. Eric Chauvier montrera comment la participation à un dispositif-relais, et notamment la confrontation à des activités mettant en jeu le corps, aide des jeunes décrocheurs à sortir de la stéréotypie à laquelle ils se raccrochent ; enfin, Hélène Riazuelo développera comment, face aux incertitudes liés à des traitements médicaux lourds et aux atteintes à l'enveloppe corporelle qui en résulte, c'est l'équipe médicale qui devra « faire enveloppe », permettant ainsi au patient de retrouver une certaine assise narcissique.

 Bibliographie

Anzieu, D. et A., dir. (2013). Les enveloppes psychiques. Paris : Dunod (1ère édition 1987).

Aulagnier, P. (1982), Condamné à investir, Nouvelle Revue de Psychanalyse, XXV, 309-330. Repris In Un interprète en quête de sens (pp. 325-358). Paris : Ramsay, 1986.

Austin J. L. (1994), Ecrits philosophiques, Paris, Le Seuil.

Devereux George (1980), De l'angoisse à la méthode dans les sciences du comportement, Paris, Flammarion.

Houzel D. (1994). Enveloppe familiale et fonction contenante. In Anzieu D. (dir.) Emergences et troubles de la pensée. Paris : Dunod. p. 27-40.

Houzel, D. (2005). Le concept d'enveloppe psychique. Paris : In Press.

Wittgenstein L. (1961), Investigations philosophiques, Paris, Gallimard.

Modalités de traitement de la question transversale

Les deux épistémologies principales du symposium (anthropologie et démarche clinique d'orientation psychanalytique) étant résolument inductives, chaque communicant-e montrera comment il comprend l'émergence de sa question de recherche, à l'articulation de ses travaux précédents, du lien au terrain et de l'attention aux sujets rencontrés, et de l'histoire personnelle (Cf Devereux 1980). Puis la coordinatrice du symposium évoquera la façon dont elle a construit la probélmaique du symposium, en insistant sur l'intérêt d'un travail qui se centre sur l'étude de processus similaires rencontrés en étudiant des objets en apparence éloignés. Chaque participant-e soulignera alors comment cette problématique a résonné pour lui/elle au moment de proposer sa communication.


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