Korat & Shamir (2008) ont mis en avant que le livre numérique est susceptible de favoriser l'apprentissage, et ce, comme le développent Mutalib Embong, et al. (2012) citant Casey (1994), notamment grâce aux ressources multimédias qu'il renferme (possibilités d'agrandissements ; recherche automatisée ; surlignage ; annotation ; présence de médias sonores, visuels, d'hypertextes, d'exerciseurs...) à tous les niveaux d'enseignement.
Dans notre recherche, nous analysons les perceptions d'étudiants universitaires sur l'utilisation d'un livre numérique dans deux contextes d'enseignement différents : un enseignement traditionnel et un enseignement de type « classe inversée ». Dans le premier contexte, les étudiants utilisent le livre numérique à l'issue de la séance de cours en auditoire alors que dans le second contexte ils l'utilisent préalablement au cours. Notre question principale de recherche étant : le moment de l'utilisation du livre numérique dans une séquence d'apprentissage influence-t-il les perceptions des apprenants?
Notre échantillon se compose de 43 sujets inscrits en Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Éducation à l'Université de Mons en Belgique. Au terme de leur expérience d'apprentissage, ils ont été invités à remplir un questionnaire d'opinion en ligne constitué de 31 questions, dont 24 questions fermées (échelle de Likert à 6 niveaux).
Plusieurs résultats intéressants ressortent de notre analyse. Les étudiants qui manipulent le livre numérique après le cours semblent plus satisfaits (86 % d'avis positifs vs 82 % d'avis positifs), plus concentrés (76 % vs 74 %) et plus motivés (81 % vs 78 %) que ceux l'ayant manipulé au préalable. De plus, ils estiment avoir mémorisé une plus grande quantité d'informations (80 % vs 74 %).
Au sujet de la perception des apprenants quant à leur expérience avec le livre numérique, notre recherche témoigne que lorsque ceux-ci découvrent le livre numérique après le cours, ils semblent en apprécier davantage les modalités d'utilisation. Aussi, le fait que les étudiants s'approprient le livre numérique après le cours en présentiel semble être source de satisfaction quant à son utilisation. Cela peut expliquer un engouement plus important à manipuler cet outil qui fait échos à un apprentissage préalable et la motivation d'en savoir plus sur le contenu abordé par l'enseignant.
Ces résultats se révèlent plutôt contre-intuitifs dans la mesure où ce sont les étudiants ayant bénéficié du livre après l'apprentissage et exprimant un avis positif qui ont eu une progression dans l'apprentissage moindre que les étudiants ayant bénéficié du livre avant le cours. Il correspond en cela au paradoxe « performance-préférence » souvent mis en évidence dans la littérature en technologie de l'éducation (Amadieu & Tricot, 2014).
A propos de la concentration, notre analyse indique que les étudiants parcourant le livre numérique après le cours ne semblent pas bénéficier d'une concentration plus importante durant la manipulation de ce support que lorsqu'ils en bénéficient avant le cours.
En outre, concernant la perception des élèves qui bénéficient du livre numérique avant le cours en présentiel en termes de mémorisation, nous pouvons justifier qu'elle est légitiment inférieure par rapport aux apprenants qui ont déjà bénéficié du cours avec l'enseignant de par la nature même du support (hypertextuel, défilement,...) et la difficulté d'établir des liens avec leur déjà-là.
À l'inverse de l'idée avancée par Kim, Kim, Khera, et Getman (2014), la modalité d'apprentissage, à savoir la classe inversée, ne semble pas agir plus positivement sur les perceptions des étudiants que dans un système d'enseignement traditionnel. Au regard de ces résultats, cela suscite une interrogation quant à la mise en place d'un dispositif de classe inversée nécessitant une préparation en amont plus conséquente. En outre, demeurons prudents, car comme le souligne Lucke (2014) citant Marton & Säljö (1976), l'engouement des étudiants pour l'enseignement inversé n'est pas forcément synonyme de performance.