Les rapports des évaluateurs institutionnels (MEN 2013) sur la pratique des Professeurs des Ecoles (désignés ci-après PE) en physique relèvent plus d'un simple constat que d'une réelle compréhension. Les PE sont polyvalents ; le domaine scientifique n'est pas forcément privilégié dans leur formation initiale. On peut donc questionner leur relation à la physique. L'objectif de cette recherche est de comprendre l'engagement des PE à enseigner cette discipline. Pour cela, nous cherchons à caractériser le rapport au savoir des PE en physique selon le cadre de l'approche socio-anthropologique développée par Charlot (1997, 1999, 2003). Ce rapport au savoir présente deux dimensions, épistémique (rapport à l'apprendre) et identitaire (rapport à soi, aux autres et au monde), modulées par une dimension sociale.
L'approche développée par Charlot est centrée sur l'élève ; des études reprennent cette approche et l'adaptent aux enseignants (Lorillot 2008, Maizière 2011, Pautal et al 2008). La dimension épistémique s'intéresse au rapport à faire apprendre et aux connaissances des PE (à enseigner, pédagogiques pour enseigner et disciplinaires) et la dimension identitaire au rapport à soi, aux autres et au monde. Nous cherchons à décrire ce rapport au savoir et à déterminer son influence sur la pratique déclarée des PE.
Des entretiens semi directifs ont été conçus, enregistrés et analysés à l'aide du logiciel Actogram. Des catégories émergentes sont créées dans les sous-dimensions du rapport au savoir après écoutes répétées et complètent les catégories a priori.
Les 14 PE constituant notre échantillon ont enseigné plusieurs années en cycle 3. L'analyse des entretiens montre que la dimension épistémique du rapport au savoir impacte les sous-dimensions identitaires de ce rapport au savoir, que ce soit le rapport à soi (manque de confiance pour enseigner), le rapport aux autres (déléguer l'acte d'enseigner, réduire l'apport du disciplinaire au minimum et vivre une séance d'investigation comme les élèves) ou le rapport au monde (physique absente de la vie quotidienne).
Il apparait clairement que le rapport au savoir dans ses dimensions épistémique, identitaire et sociale influence la pratique de classe déclarée de l'enseignant puisque certains thèmes du programme ne sont pas abordés et que la mise en œuvre de la démarche pédagogique préconisée (démarche d'investigation) n'est pas toujours effective.
Une suite de ce travail serait d'observer des pratiques de classe des PE en physique afin d'identifier leur rapport au savoir dans cette discipline « in situ ». Une réelle connaissance du rapport au savoir des PE en physique permettrait de proposer des pistes adaptées pour améliorer chez les PE la compréhension des concepts, lois, modèles en physique, qui seraient investies en formation initiale et continue.
Charlot, B. (1997). Du rapport au savoir, éléments pour une théorie. Paris : Anthropos.
Charlot, B. (1999). Le rapport au savoir. In J. Bourdon (dir), Éducation et formation : recherches et politiques éducatives (pp.17-34). Paris : CNRS éditions.
Charlot, B. (2003). La problématique du rapport au savoir. In S. Maury & M. Caillot (dir), Rapport au savoir et didactiques (pp. 33-50). Paris : Fabert.
Lorillot, V. (2008). L'enseignement des Sciences physiques en série Arts Appliqués. Étude curriculaire et analyse de rapports aux savoirs d'enseignants d'Arts Appliqués et de Sciences Physiques. Contribution à l'étude de la construction des identités professionnelles. Thèse de doctorat, Université Paris Descartes.
Maizières, F. (2011). Rapport au savoir musical des professeurs des écoles et pratiques d'enseignement : un transfert parfois complexe. Éducation et didactique, 5(2), 53-64.
Ministère de l'Éducation Nationale (2013). Bilan de la mise en œuvre des programmes issus de la réforme de l'école primaire de 2008. Rapport n° 2013-066.
Pautal, E., Venturini, P., & Dugal, J.-P. (2008). Prise en compte du rapport au savoir pour mieux comprendre un système didactique. Un exemple en SVT à l'école élémentaire. Didaskakia, 33, 63-88.