« La scolarisation, avec les enfants roms, ça ne marche pas ». Tel est le constat, réalisé par une association du champ social, qui a impulsé une recherche dans un centre d'hébergement pour familles migrantes. Alors que je travaillais depuis une dizaine d'années sur les processus de scolarisation des enfants tsiganes et roms, j'ai en effet été sollicitée pour identifier les difficultés rencontrées par les professionnels du dispositif dans leur accompagnement à la scolarité des enfants roms roumains. L'école constitue, tant au niveau européen que national, un enjeu majeur des politiques d'intégration des populations roms. Notre communication interrogera l'articulation et les possibles tensions entre la démarche scientifique du chercheur et celle des opérateurs de l'intervention sociale et éducative.

Au-delà du constat qui m'a été soumis, je me suis demandée comment parents et professionnels participaient, au quotidien, à l'élaboration et à la réalisation du projet éducatif et scolaire des enfants et jeunes roms. Cette question a initié et accompagné une enquête ethnographique menée durant deux années scolaires (2011-2013) par trois chercheures dans un centre d'hébergement auprès d'une équipe socioéducative de dix-huit personnes et d'une vingtaine de familles roms. Cette enquête principale a également été nourrie d'une recherche menée auprès de neuf enfants roms scolarisés dans quatre établissements scolaires.

Notre analyse s'est centrée plus précisément sur la configuration que proposait le centre d'hébergement en tant que membre privilégié de la communauté éducative (Pithon et al., 2008) dans laquelle se jouent la co-éducation (Durning, 1995) ainsi que la co-responsabilité des acteurs éducatifs vis-à-vis du processus de scolarisation des enfants roms. Nous avons étudié comment s'articule le travail éducatif « collectif à la fois partagé et divisé » (Tardif et Levasseur, 2011) des intervenants socioéducatifs avec celui des parents et des acteurs scolaires.

La recherche elle-même, comme la scolarisation des enfants roms, a évolué dans une configuration complexe qui a joué un rôle prépondérant dans sa réalisation et sa finalisation.

Nous nous proposons, dans le cadre de cette communication, d'analyser comment le chercheur auquel une association a commandé un regard a mené son enquête dans un contexte institutionnel et professionnel multidimensionnel dans lequel les relations et interactions entre les différents acteurs et à des niveaux hiérarchiques différents, ont pu interférer avec le recueil et le traitement des données ainsi que leur(s) restitution(s).

En effet, alors que l'association était commanditaire de la recherche, elle est devenue, suite au financement émanant de l'Observatoire national de l'enfance en danger, partenaire de l'équipe de recherche, et l'ONED le nouveau commanditaire. Le chercheur a donc dû rendre des comptes à son commanditaire initial et à son financeur tout en se préservant d'une démarche évaluative du dispositif et en protégeant les relations de confiance construites avec des professionnels engagés dans une démarche collaborative avec lui.

Dubet, F. (2002). Pourquoi ne croit-on pas les sociologues ?. Educations et Sociétés, n°9, 13-25.

Payet, J-P., Rostaing, C. et Giuliani, F. [dir.]. (2010). La relation d'enquête. La sociologie au défi des acteurs faibles. Rennes : Presses universitaires de Rennes.

Tardif, M. et Levasseur, L. (2010). La division du travail éducatif. Paris : Presses universitaires de France.