Depuis la seconde moitié du vingtième siècle, plusieurs réformes ont conduit les universités, en France, à s'ouvrir davantage sur l'extérieur. La nécessité de diffuser la connaissance vers le monde social et économique s'est accrue avec un renversement de position épistémologique des chercheurs. Ces derniers ont été amenés à se rapprocher de ce que vivent les personnes au quotidien. Des recherches de type interventionnel se sont développées (Bedin, Broussal et Ponté, 2015, Marcel, 2016, Sain-Jean et al., 2014) montrant l'intérêt des chercheurs à trouver un nouveau mode d'interactions avec le terrain pour conduire des recherches. Partir de problématiques ancrées dans la pratique sociale peut s'avérer plus adapté pour impliquer les acteurs de terrain et contribuer à la construction de sens sur leurs pratiques. Cela questionne la place de la science dans la cité et l'enjeu de l'action du scientifique dans l'aide à la transformation des systèmes, dans l'évolution des environnements et des politiques qui sous-tendent les comportements et pratiques sociales. Le manque de réinvestissement des résultats des recherches dans la pratique professionnelle (Ducharme, 2001 ; Gagnon et al., 2009) interroge l'accessibilité des savoirs scientifiques par les acteurs de terrain et de fait, le degré d'opérationnalisation du changement. La portée réelle de la visée praxéologique comme valorisation des résultats de recherches est peu étudiée. Nous avons tenté de reconsidérer la posture de praticien-chercheur comme une modalité de recherche pouvant contribuer à mieux articuler ces deux mondes. La recherche menée par le praticien-chercheur est « impliquée » avec un enjeu ne se limitant pas à l'élaboration d'une nouvelle connaissance scientifique. Elle permet d'accéder à des problématiques préoccupant directement les acteurs de terrains, ce qui contribue à faciliter les retombées praxéologiques, avec la mise en œuvre, a posteriori, d'actions transformatrices. Cette dynamique d'appropriation des résultats par les acteurs de terrain fait partie intégrante d'une recherche menée par un praticien-chercheur qui a une volonté affichée de dégager des pistes d'action pour « proposer aux acteurs des occasions nouvelles de réfléchir sur leurs pratiques » (De Lavergne, 2007, p. 31). L'étude présentée ici donne une lecture du processus de professionnalisation des étudiants infirmiers, suite à la réingénierie du dispositif de formation de 2009, avec une focale sur les pratiques tutorales émergentes et la manière dont la logique compétence a été investie pour professionnaliser les étudiants (Wittorski, 2008 ; Astier, 2008). Nous montrons en quoi un changement de pratiques tutorales s'est amorcé, permettant de porter un regard sur le niveau de logique structurelle atteint. Les résultats de notre étude témoignent des dynamiques de professionnalisation émergentes, proposées par les tuteurs et des nouveaux profils d'apprenants que les étudiants développent. Notre communication propose de porter un regard métacognitif sur les différentes étapes du processus de recherche. Nous préciserons comment la posture de praticien-chercheur a été un atout dans le choix et la nature de la question de recherche posée mais aussi dans l'accès à des données sensibles lors des observations participantes et des entretiens semi-directifs individuels et collectifs. Nous aborderons l'impact de la connaissance du terrain sur la validité et la généralisation des résultats à d'autres terrains contextualisés. Nous pointerons également les obstacles et les limites de cette démarche en termes de recherche et d'approche méthodologique.
Références Bibliographiques
Astier, P. (2008). La professionnalisation comme intention, comme processus et comme légitimation. Savoirs, 2, (17), 63-69.
Bedin, V., Broussal, D. et Ponté, P. (Dir.) (2015) Recherche-intervention et accompagnement du changement en éducation. Paris : L'Harmattan.
De Lavergne, C. (2007). La posture du praticien-chercheur : un analyseur de l'évolution de la recherche qualitative. Recherches Qualitatives, 3, 28-45.
Ducharme, F. (2001). La recherche : voie privilégiée du développement du savoir infirmier. L'infirmière du Québec, mars/avril, 23-34.
Gagnon, J. et al. (2009). Barrières et facteurs facilitant l'intégration de résultats probants aux soins infirmiers en contexte québécois : étude exploratoire-descriptive. L'infirmière clinicienne (6), 1, [En ligne] : http://wer.ugar.gc.ca/revue-inf.
Marcel, J-F. (2016). La recherche-intervention par les sciences de l'éducation : accompagner le changement. Dijon : Educagri-édition
Saint-Jean, M., Isus Barado, S., Paris Manas, G. et Mace, A. (2014). La recherche-intervention comme accompagnement du changement : le cas d'une formation de formateurs, Les dossiers des sciences de l'éducation, 31, 31-48.
Wittorski, R. (2008). Professionnaliser la formation : enjeux, modalités, difficultés. Formation emploi, 101, 105-117.