En éducation, l'alternance est souvent présentée comme une configuration éducative ou un modèle pédagogique pouvant constituer l'une des propositions de transformation de tout système éducatif. En formation, l'alternance est tour à tour une conception de la formation, autrement dit une ingénierie particulière, mais aussi un discours injonctif visant à mieux articuler l'école et l'entreprise, sans nécessairement que ce discours soit discuté, voire contesté tant sur le plan de ses finalités explicites que de ses conditions de réalisation. Quel que soit le contexte d'usage du concept d'alternance, celui-ci évoque une valeur ajoutée. Plus-value organisationnelle ou pédagogique, le recours à l'alternance dans les domaines de l'éducation ou de la formation participe d'un discours cherchant à proposer une alternative aux organisations éducatives. Dans cette perspective, les discours sur et/ou pour l'alternance en éducation ou en formation portent en creux une critique du système scolaire en place. Ils constituent ainsi une posture idéologique, doctrinaire et politique rassemblant dans un même dessein changement éducatif et changement social d'une part, transformation des ingénieries de formations et des ingénieries pédagogiques d'autre part. Nous proposons une réflexion sur les plus-values pédagogiques de l'alternance en formation. Les différentes configurations pédagogiques de l'alternance constituent une figure de la pédagogie au sens où elle invite l'éducateur à la réflexion sur son activité de travail et sur le sens de celle-ci. Cette inclinaison à la réflexivité constitue la pierre angulaire du travail pédagogique, la pédagogie étant cet enveloppement mutuel et dialectique de la théorie et de la pratique éducative par la même personne, sur la même personne (Houssaye, 1993). En rappelant cette définition de la pédagogie, nous posons l'alternance comme une figure pédagogique à part entière dans la mesure où elle incarne par son processus dialectique interne et externe même la présence, au sein de l'entreprise éducative, de rapports et d'interrelations complexes entre deux entités qui se déclinent selon cinq dimensions de tout projet d'éducation défendu par l'alternance : le rapport à l'existence humaine pensé comme finalité ultime du projet d'éduquer, le rapport au travail, le rapport au savoir, le rapport à l'apprendre et le rapport aux temps et aux espaces. Ces cinq déclinaisons d'un rapport à la vie caractérisent selon nous la pédagogie de l'alternance. Nous avons choisi dans ce texte de nous centrer sur l'une de ses cinq dimensions : le rapport temps éducatif-temps social. À partir d'une analyse des propositions éducatives de Bachelard et de Dewey, nous proposons dans cette communication un cadre théorique visant à décrire et comprendre les tensions entre temps éducatif et temps social en contexte de formation par alternance.