4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Des territoires et des lieux : la différenciation organisée des espaces éducatifs des rythmes scolaires. A qui le faire savoir ?
Jean-François Thémines  1, *@  
1 : UMR ESO - Espaces et Sociétés  (ESO-CAEN)  -  Site web
Université d'Angers, Université de Caen Basse-Normandie, CNRS : UMR6590, Université du Maine, Université de Nantes, Université de Rennes II - Haute Bretagne
MRSH-Caen Université de Caen Basse-Normandie 14032 CAEN cedex -  France
* : Auteur correspondant

Comme « chercheur des rythmes » participant à une recherche commanditée par le Rectorat de l'Académie de Caen, lequel souhaitait développer une évaluation de sa mise en œuvre de la réforme, nous avons défini une stratégie de production de « données » et de restitution de « résultats ». Nous proposons de revenir sur la façon dont cette stratégie a été définie, en partie a priori et en partie au vu des contraintes apparues dans la confrontation aux « terrains ». Puis nous poursuivrons ce travail réflexif à propos des limites de cette stratégie, au regard de l'objectif de réduction des inégalités éducatives qui motive cette réforme, objectif duquel nous nous sentons solidaires comme chercheur.

Comme spécialiste d'une discipline, la géographie, qui se définit par son entrée spatiale dans l'étude des sociétés, nous avons cherché à savoir comment les acteurs locaux (élus, professeurs, animateurs, etc.), sommés de se coordonner en vue d'assurer l'éducation des enfants, prenaient le « tournant territorial » voulu par la loi. Les communes que nous avons étudiées sont rurales et ont un faible potentiel d'animation et d'équipements. Pourtant, des différences apparaissent dans la manière de se saisir de cette ressource (Lussault, 2009) et de développer ainsi des « espaces éducatifs locaux ». Nous avons établis ces différences en particulier grâce à un corpus de photographies (Desaleux et al., 2011) et parcours commentés (Thibaud, 2001), produits avec et en partie par les professeurs des écoles des communes.

Regard réflexif sur la question de recherche : Evaluer, pour qui ?

 

C'est cette stratégie de recherche que nous interrogeons. Quels facteurs nous ont incité à répondre ainsi à la demande d'évaluation ? Une discipline d'appartenance, mais aussi le sentiment que la dimension spatiale était une « bonne entrée » ; l'idée que les acteurs étant ceux qui avaient le meilleur accès aux « terrains », il pouvait leur être confié une bonne part de responsabilité dans la production des données, en échange d'un partage de leur récolte et des questions professionnelles qu'elle faisait émerger. Dès lors, quelles relations se sont installées avec les commanditaires (la hiérarchie pour ces professeurs) ? Comment ces derniers se sont-ils emparés de la méthodologie que nous avions proposée aux professeurs et pour quelles raisons ? Comment s'est alors négociée la préservation de l'autonomie de la recherche et avec quelle participation des enquêtés ?

Les limites de cette stratégie de recherche interrogent le mode d'engagement du chercheur. En effet, les résultats que nous présentons à l'aide du couple géographique territoire (au sens d'un espace attribut d'un acteur qui s'en sert pour se démarquer d'autres acteurs et les contraindre) et lieu (au sens d'une unité construite, voulue, agencée par des acteurs divers) sont le produit d'une collaboration avec des enquêtés. Ce qu'ils montrent, une différenciation locale des espaces éducatifs, a été corroboré grâce à des entretiens avec des élus et des responsables d'animations périscolaires. Pour autant, alors que le but de réduction des inégalités éducatives qui sous-tend cette réforme est, semble-t-il, contourné, nous n'avons pas retourné ce « résultat » vers des acteurs locaux autres que les enseignants. Peut-on se résoudre à ce que le principe de commande de la recherche prévale ainsi sur celui de son utilité sociale, qui voudrait que de tels résultats soient plus partagés et discutés ? Si non, en quoi consiste alors aussi le travail du chercheur ?

Lussault, M. (2009). De la lutte des classes à la lutte des places. Paris : Grasset.

Thibaud J.-P. (2001). La méthode des parcours commentés, in M. Grosjean & J.-P. Thibaud, L'espace urbain en méthodes. Marseille : Parenthèses, 79-100.

Desaleux D., Langumier J. & Martinais E. (2011). Enquêter sur la fonction publique d'Etat. Une enquête photosociologique des lieux de travail de l'administration. In ethnographiques.org, numéro 23 [En ligne] 


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