4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Sujets, territoires, précarités. Quand le recherche biographique interroge l'émancipation individuelle.
Letitia Trifanescu  1, *@  
1 : Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne - Paris 12  (UPEC UP12)  -  Site web
Université Paris-Est Créteil Val-de-Marne (UPEC)
61 avenue du Général de Gaulle - 94010 Créteil cedex -  France
* : Auteur correspondant

Au cœur du champ d'étude du paradigme biographique en éducation, se situe l'exploration des modalités selon lesquelles les individus deviennent des individus (Delory-Momberger, 2004) dans les espaces contemporains. Dans son questionnement sur cette construction, sur le devenir en tant que sujet dans la diversité des espaces sociaux, la recherche biographique aborde l'expérience en tant que tenant de dynamiques de formation de soi. En ce sens, les individus se forment et se transforment dans des logiques identitaires de devenir soi, en reconfigurant de manière herméneutique leur vécu. 

Nous proposons de questionner ce lien identitaire à l'expérience à travers le rapport aux contextes, aux territoires, aux espaces. Si l'individu se construit par des processus d'identification et de différenciation avec les autres (Camillieri & al., 2007), faisons l'hypothèse que ces processus concernent aussi les espaces de vie, les sociétés, les cultures. La biographisation de l'expérience - cette “herméneutique en acte” (Delory-Momberger, 2009) qui sous-tend des logiques de construction et de formation de soi - suppose une reconfiguration du vécu dans sa globalité. Les événements et interactions marquantes sont dès lors accordés à la dimension présente et recontextualisées, afin de leur trouver un sens actualisé, auquel l'on puisse s'identifier dans l'ici-et-maintenant. Les espaces sociaux et culturels, sont intégrés à cette dynamique et, dans certains cas, agir sur ces contextes de vie correspond à agir sur soi. Il s'agit d'une relation identitaire avec les territoires qui ont vu naitre des individus, qui ont constitué leur premier repère dans la formation de soi. Ces réflexions sont étayées empiriquement par une recherche qualitative sur les parcours migratoires féminins à caractère précaire. Les récits biographiques de migration, de demandeuses d'asile et femmes “sans papiers”, révèlent ce rapport aux territoires qui est de nature culturelle et identitaire. L'acte migratoire - d'autant plus dans la précarité multiforme associée au statut irrégulier - coïncide pour elles avec une forme d'agir émancipatoire.

Changer à tout prix de pays signifie changer de contexte de vie, de culture et traditions dominantes, pour trouver un espace qui soit le sien. Le travail de biographisation mis en exergue lors de la mise en récit traduit une quête de sens liée à cette quête territoriale. Chercher un territoire où être soi nécessite dans ce cas de rompre avec d'autres espaces, marqués par d'autres formes de précarité et d'inégalité sociale. Cela émerge dès lors pour le chercheur qui - avec le regard théorique et méthodologique de la recherche biographique - s'intéresse aux modalités de construction de soi est que cela peut impliquer des logiques d'émancipation. La non obéissance (Rancière, 1987), la non identification avec des espaces et leur normes apparaissent comme les principaux instigateurs d'un agir qui rend sujet de son existence. 

 

Références bibliographiques :

Camillieri, C. (ss. dir.) (2007) Stratégies identitaires. Paris : PUF.

Delory-Momberger C. (2004), « Biographie, socialisation, formation. Comment les individus deviennent des individus ». L'Orientation scolaire et professionnelle, n° 4 (Travail biographique, construction de soi et formation), coord. Ch. Delory-Momberger, CNAM/INETOP, décembre 2004, 551-570.

Delory-Momberger C. (2009) La condition biographique. Essais et récits de soi dans la modernité avancée. Paris : Téraèdre.

Rancière, J. (1987) Le maitre ignorant. Cinq leçons sur l'émancipation intellectuelle. Paris: 10/18.


Personnes connectées : 1