Cette communication comprendra une partie introductrice du symposium dans lequel elle s'insère. Je présenterai rapidement les terrains, la méthodologie et l'objet de la recherche collective sur l'exclusion ponctuelle de cours au collège présentée dans ce symposium.
Mon propos se centrera sur la question à laquelle « je cherche réponse » et qui retient particulièrement mon attention : la prise de décision par les enseignants d'exclure un(e) élève de la classe. M'inscrivant dans une approche clinique d'orientation psychanalytique (Blanchard-Laville et al., 2005), il s'agit pour moi de tenter de saisir une partie des enjeux psychiques à l'œuvre pour les enseignants lorsqu'ils prennent cette décision, que je propose de considérer comme un analyseur des tensions internes par lesquels ils sont traversés en situation professionnelle.
Pour tenter d'éclairer en partie les ressorts de cette prise de décision, mon analyse portera sur un matériel recueilli dans deux dispositifs mis en œuvre dans le cadre d'une recherche-intervention menée dans six collèges de quatre académies différentes. Il s'agit d'entretiens collectifs menés avec des enseignants volontaires dans deux collèges et d'un groupe d'analyse de la pratique de l'exclusion ponctuelle de cours, mis en place dans un troisième collège. Le corpus est ainsi constitué de la transcription de six entretiens collectifs et de quatre séances d'analyse de pratiques, auxquels il faut ajouter les quatre micro-monographies (Imbert et le Grpi, 1996, p. 19) — des récits écrits de situations professionnelles vécues — rédigées dans ce groupe de professionnels.
L'analyse longitudinale de ce corpus permettra de mettre en valeur l'importance de la dimension groupale (Yelnik, 2005) dans la prise de décision d'exclure, dans les propos des enseignants évoquant dans l'après coup des situations d'exclusion. Très souvent ils expliquent avoir choisi d'exclure un élève, pour « sauver le reste de la classe ». La décision d'exclure du cours est toujours prise en présence d'un groupe d'élèves. Cet élément me semble essentiel pour appréhender les ressorts psychiques à l'œuvre dans cette situation et il exacerbe les tensions internes éprouvées par les enseignants.
L'analyse d'une séance d'analyse de pratiques sera l'occasion de présenter de nouvelles hypothèses cliniques quant aux « effets de présence » (Puget, 2006, p. 32) à l'œuvre au moment de cette prise de décision. J. Puget considère que « l'effet de présence [...] peut s'homologuer à une intrusion, du registre de l'interférence pour le Moi, pour le Sujet » (Puget, 2006, p. 36). Elle ajoute qu'« une des conséquences [de ces effets] est qu'ils s'opposent à la tendance de réduire l'autre à la condition d'objet » (Idem). L'analyse d'une micro-monographie sera l'occasion de montrer comment, dans certaines situations de classe, la présence d'un élève peut être vécue comme « une intrusion, du registre de l'interférence pour le Moi » de l'enseignant, qui a alors « tendance de réduire l'autre à la condition d'objet », étape qui précède immédiatement la prise de décision d'exclure.
Cette communication s'inscrit dans l'axe « comprendre » du thème transversal du congrès.
Références bibliographiques
Blanchard-Laville, C., Chaussecourte, P., Hatchuel, F., & Pechberty, B. (2005). Recherches cliniques d'orientation psychanalytique dans le champ de l'éducation et de la formation. Revue Française de Pédagogie, 151, 111-162.
Imbert, F. & Groupe de recherche en pédagogie institutionnelle. (1996). L'Inconscient dans la classe, transferts et contre-transferts. Paris : ESF.
Puget, J. (2006). Penser seul ou penser avec un autre, Revue de psychothérapie psychanalytique de groupe, 46, 31-40.
Yelnik, C. (2005). Face au groupe-classe. Discours de professeurs. Paris : L'Harmattan.