Résumé

Dans les pays développés, l'insertion sociale et professionnelle des jeunes est fortement corrélée à leur niveau de qualification, ce qui fait de leur persistance dans les cursus scolaires un enjeu social important. Or, la persistance ou le décrochage scolaire trouve son origine dans l'environnement de la classe. En EPS, les dynamiques d'engagement-désengagement qui sous-tendent ce processus semblent impactées par la nature des interactions avec les autres élèves (Méard, 2013) et avec l'enseignant (Petiot, Desbien & Visioli, 2014). La littérature met notamment en avant chez ce dernier la fréquence des feedbacks positifs et l'empathie en vue de motiver l'activité des élèves par des buts de maîtrise.

Dans le cadre d'un programme de recherche, une étude a été menée en France auprès de quatre enseignants de collège confrontés à des élèves à risque de décrochage scolaire, afin d'analyser l'impact de l'activité de ces élèves en classe sur l'activité de l'enseignant et les moyens mis en œuvre par celui-ci. Une démarche en clinique de l'activité (Clot, 2008) a été mise en œuvre selon une boucle répétée deux fois avec chaque enseignant sur une période de 14 mois (observation et enregistrement vidéo, auto-confrontation simple, puis croisée enfin un retour au collectif). Les matériaux ont été traitées à partir de marqueurs et d'indicateurs de développement qui ont permis de déterminer les options successives adoptées par les enseignants, au travers de l'évolution de leur efficience et du sens qu'ils donnaient à ces situations (Bruno, 2015).

Les résultats relatifs à l'activité de l'enseignant d'EPS soulignent lors de la première boucle une forte empathie de sa part vis-à-vis de ces élèves « fragiles ». Cela le conduit notamment à assumer des différences de traitement (attention privilégiée, tolérance aux déviations, ...). Son motif prioritaire est alors « l'acceptation mutuelle » entre élèves (sens). Néanmoins, ces situations produisent chez lui des dilemmes. Progressivement, il portera une attention sur l'activité des autres élèves qui s'améliorera au point qu'au cours de la deuxième boucle, elle deviendra peu à peu un instrument pour jouer sur l'engagement des élèves à risque (aide à l'apprentissage entre élèves, ...), tout en « éduquant tout le monde » (comme dans les aménagements apportés aux élèves en situation de handicap qui finissent par servir d'outils en direction des élèves valides). L'activité des élèves à risque de décrochage passe du statut d'objet puis d'instrument puis d'objet, selon un processus qui déplace le sens de l'activité de l'enseignant et augmente son efficience.

En EP plus qu'ailleurs, la question des « autres élèves » semble centrale lorsqu'il s'agit de favoriser l'engagement des élèves à risque de décrochage. Mais, au fil de la recherche, il est à noter que les outils et options mis en œuvre par cet enseignant connaissent une généralisation et sont de plus en plus partagés par les collègues des autres disciplines, permettant de dégager une dimension générique du métier d'enseignant, en dehors de toute spécificité disciplinaire.

Regard réflexif sur la question de recherche

Cette communication abordera la thématique « Comprendre » à travers le rôle joué par les contacts avec les acteurs de terrain sur les questions de recherche. Les auteurs montreront que la problématique de l'engagement des élèves en EP est étudiée par l'intermédiaire du travail de conception de situations d'apprentissage réalisé par les professeurs. La thématique « Proposer » permettra aux auteurs d'expliquer en quoi leur recherche peut permettre une meilleure compréhension et interprétation du phénomène d'engagement des élèves en EP. 

Références bibliographiques

Bruno, F. (2015). Analyse du développement du pouvoir d'agir d'enseignants confrontés au risque de décrochage scolaire : étude de cas en classe de sixième de collège. Thèse de Doctorat. Aix-Marseille Université. (non publiée).

Clot, Y., (2008). Travail et pouvoir d'agir. Paris : Presses Universitaires de France.

Petiot, O., Desbiens, J.-F. & Visioli, J. (2014). Perceptions d'élèves du secondaire concernant leurs inducteurs émotionnels en EPS. eJRIEPS, 14, 4-37.