4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Pratiques Physiques Artistiques : « Mieux-être » en milieu pénitentiaire et régulation des violences ?
Sabine Thorel-Hallez  1@  
1 : ESPE LNF
Universté d'Artois

L'objet de cette contribution repose sur l'étude d'un possible « mieux-être » de jeunes, en établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM), lors de la pratique de la danse Hip Hop. Nous postulons que ce « mieux-être » peut participer à la régulation des phénomènes de violence en milieu pénitentiaire.

Plusieurs recherches ont mis au jour le lien entre climat scolaire et bien-être des individus (Debarbieux et al., 1999, 2012 ; Blaya, 2006 ; Wilson et al., 2001 ; Carra, 2009 ; Cohen et al., 2009). Ce climat de travail positif est un préalable à la sécurité physique et émotionnelle des personnes, facilitant les apprentissages. Les travaux de Lord (2008), notamment, ont mis en évidence le développement de la sociabilité et du bien être des jeunes de 4 à 16 ans par la pratique d'Activités Physiques Artistiques (APA). Or, enseigner et pratiquer des APA est soumis au regard des autres et aux commentaires qui peuvent, dans certains cas, générer des violences symboliques (Thorel et Necker, 2013).

Les recherches menées par Faure et Garcia (2003) en danse Hip Hop ont bien montré une appropriation sexuée de l'espace réaffirmant certains rapports de pouvoir entre filles et garçons. Le genre, appréhendé comme une modalité des relations sociales (Théry, 2000), est un moyen de compréhension du « mieux-être » des jeunes observés au fur et à mesure des séances de Hip Hop. C'est pourquoi il nous intéresse de comprendre la relation entre traitement didactique, « mieux-être » des individus, régulation des violences. Ce cadre permet de mettre en exergue les contenus enseignés (déclarés et observés) et incorporés (source de mieux-être ou de mal-être).

Ainsi nous questionnons les conditions de réception des pratiques artistiques en tant que possibles moyens de régulation des conduites des jeunes. La visée est la délimitation d'indicateurs de mieux-être, qui pourraient jouer positivement sur le mieux vivre ensemble. Cette contribution renvoie au rôle joué par les corps en tant que reflet du bien être ou du mal être (Zanna, 2015) dans le « vivre ensemble » (Necker et Thorel, 2015).

A quelles conditions la pratique de la danse Hip Hop peut-elle être porteuse de « mieux-être » ? Ce « mieux-être » est-il vecteur d'amélioration de la relation aux autres dans le contexte de la détention ?

Cette recherche repose sur des enquêtes menées dans le départements du Nord de la France qui concernent des personnes jeunes (de 13 à 18 ans) pratiquant le Hip Hop et des adultes l'enseignant.

Dans le cadre de cette communication il s'agit d'éclairer les conditions de régulation des comportements, sous tendant un état de mieux-être. Cinq garçons, ayant choisi cette pratique, ont été observés. L'activité des intervenant-e-s (quel que soit leur statut) est aussi observée et interrogée (par le biais d'entretiens) et comparée avec les observations des jeunes. Enfin nous menons des entretiens avec leur éducateur pour connaître l'influence de cette pratique sur leur (re) socialisation.

 Notre intention est de mettre au jour des indicateurs de « mieux-être » (analyse thématique en cours) chez ces jeunes à l'issue des pratiques et d'en comprendre les composantes et les implications. Les premiers résultats indiquent les axes d'analyse suivants : les interactions avec l'Autre : révélatrices de soi ; les relations interpersonnelles : l'Autre comme partenaire, les autres comme miroir ; L'empathie la confiance en l'adulte et la valorisation sont au centre du processus d'acceptation de l'Autre ; L'appartenance à un groupe est ici source d'échanges. Le rapport à l'espace : lieu de construction du « vivre ensemble ».

Bibliographie

Blaya, C. (2006). Harcèlement et maltraitance en milieu scolaire. Paris : Armand Colin.

Carra, C. (2009). Violences à l'école élémentaire. Paris : PUF.

Cohen, J., McCabe, E. M., Michelli, N. M., & Pickeral, T. (2009). School climate : Research, policy, teacher education and practice. Teachers College Record, 111, 180-213.

Debarbieux, E., Garnier, A., Montoya, Y., & Tichit, L. (1999). La violence en milieu scolaire. 2-Le désordre des choses. Paris : ESF.

Debarbieux, E., Anton, N. , Astor, R.A., Benbenishty, R., Bisson-Vaivre, C., Cohen, J.,Giordan, A., Hugonnier, B., Neulat, N., Ortega Ruiz, R., Saltet, J., Veltcheff, C., Vrand, R. , (2012). Le « Climat scolaire » : définition, effets et conditions d'amélioration. Rapport au Comité scientifique de la Direction de l'enseignement scolaire, Ministère de l'éducation nationale. MEN-DGESCO/Observatoire International de la Violence à l'École. 25 pages.

Faure, S., Garcia, M-C. (2003). Les « braconnages » de la danse Hip Hop dans les collèges de quartiers populaires. VEI, 113, 244-257.

Lord, P. (2008). Le projet « Arts and Education Interface ». Effets sur les élèves et les jeunes. Dans Collectif, Évaluer les effets de l'éducation artistique et culturelle (p. 81-89). Paris : La Documentation française-Centre Pompidou.

Necker, S., & Thorel-Hallez, S. (2015). Des pratiques artistiques pour se rencontrer et coéduquer. Théâtre et danse, vers un « mieux-vivre » en milieu éducatif ? In Dugas E. , Montoya Y. & Ben Chaabane Z. (dir.), Oser l'autre : un défi pour une école bienveillante ?, International Journal of Violence and School, Hors-série, 16, 123-146.

Théry, I. (2000). Le genre : identité des personnes ou modalités des relations sociales ? Revue française de pédagogie, 171, 103-117.

Thorel, S., & Necker, S. (2013).Violences symboliques au regard du genre : le cas de l'enseignement de la danse à l'école. Recherches et Educations, 9, 81-95.

Wilson, D. B., Gottfredson, D. C., & Najaka, S. S. (2001). School-Based Prevention of Problem Behaviors : A Meta-Analysis. Journal of Quantitative Criminology, 17, 247- 272

Zanna, O. (2015). Le corps dans la relation aux autres. Pour une éducation à l'empathie. Rennes : PUR.


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