4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Mise en place d'un dispositif clinique d'analyse de la pratique de l'exclusion ponctuelle de cours, entre recherche et accompagnement
Sophie Lerner  1@  
1 : Laboratoire Éducation, Discours, Apprentissages  (EDA)  -  Site web
Université Paris V - Paris Descartes : EA4071

Dans cette communication, je souhaite aborder les enjeux et les effets d'un dispositif clinique d'analyse de la pratique professionnelle dans le cadre d'une recherche sur l'exclusion ponctuelle de cours. Je présenterai ce groupe de dix professionnels, enseignants et personnels vie scolaire, volontaires pour partager leur expérience et tenter ensemble de penser ce qui se joue dans cette pratique pédagogique, au-delà des considérations objectives et rationnelles. Mon analyse portera sur la manière dont les professionnels, dans ce cadre groupal, évoquent l'exclusion ponctuelle de cours, sur la nature des éprouvés qui les traversent et enfin, sur les images qui émergent de leur théâtre intérieur où se croisent et se confrontent, professeurs, élèves, parents, équipe de direction et de vie scolaire. M'inscrivant dans une approche clinique d'orientation psychanalytique, je cherche à saisir une partie des mécanismes psychiques qui sous-tendent ces situations génératrices de tensions, à repérer chez les sujets, les conflits internes qui en découlent et les processus de dégagement mis en œuvre pour y faire face.

Mon propos s'appuiera sur les données recueillies dans ce dispositif clinique que j'ai animé lors de trois séances consécutives. J'en présenterai brièvement le cadre de fonctionnement en référence au modèle proposé par C. Blanchard-Laville (2013). Ces données sont constituées de notes prises dans l'après-coup des séances et enrichies de celles rédigées à la suite des six rencontres avec Antoine Kattar, avec lequel j'interviens en binôme dans ce collège. Mon analyse porte essentiellement sur les interactions dans le groupe, sur les propos échangés, et sur les éléments non verbaux. Les concepts de la psychanalyse et les outils de l'analyse du langage sont sollicités pour l'analyse clinique de ce matériel.

Je présenterai les premiers résultats sous la forme d'axes de réflexion. Bien que le groupe de professionnels se soit constitué autour du projet commun de participer à notre recherche, l'analyse des données recueillies montre une oscillation de leur part entre une participation active témoignant d'un investissement authentique dans le travail proposé et une forme de mise en retrait, voire de passivité. Je propose d'envisager cette oscillation constante tout au long du dispositif comme l'expression d'une ambivalence vis-à-vis du cadre qui traduit la force des résistances à « entrer » dans la démarche proposée.

Un autre axe de réflexion concerne la lecture des propos tenus et des indices non verbaux dans leur signification latente de même que la dynamique groupale qui se déploie entre les protagonistes tout au long des séances. Ces éléments croisés montrent une grande diversité de positionnements vis-à-vis de la pratique de l'exclusion de cours. Cette diversité peut s'expliquer par la composition du groupe de professionnels qui exercent des fonctions différentes au sein de l'établissement. Je tenterai de montrer qu'au-delà de ces différences, c'est le rapport qu'entretient chaque professionnel avec l'objet « exclusion de cours » qui semble être au cœur de ces contrastes. L'analyse de ce rapport à l'exclusion de cours, au sens de rapport au savoir (Beillerot, 2000), permet d'appréhender une souffrance psychique professionnelle (Blanchard-Laville, 2013) du quotidien. Celle-ci rend compte ici, de la manière dont chaque participant s'organise psychiquement pour faire face aux situations d'exclusion de cours, dans son lien aux élèves mais aussi à toute l'équipe éducative y compris les parents.

Après avoir présenté ces premières propositions interprétatives, j'interrogerai les effets de la mise en place d'un dispositif clinique d'analyse de pratique dans ce cadre : s'agit-il d'accompagnement ou de recherche ? Je tenterai d'analyser les freins et les limites de ce dispositif, pour mettre en valeur la difficulté d'articuler processus de recherche et démarche d'intervention en lien avec l'élaboration de mes mouvements contre-transférentiels de chercheur (Devereux, 1969).

 

Bibliographie

Bardin, L. (2003/1977). L'analyse de contenu. Paris : PUF.

Mosconi, N., Beillerot, J., Blanchard-Laville, C. (dir.). (2000). Formes et formation du rapport au savoir. Paris : L'Harmattan.

Blanchard-Laville, C. (2013). Au risque d'enseigner. Paris : PUF.

Devereux, G. (1967). De l'angoisse à la méthode. Paris : Flammarion (éd. française 1980).


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