4-7 juil. 2016 Mons (Belgique)
Analyse d'activités menées sur des tâches numériques au premier degré de l'enseignement secondaire
Geoffrey Delcroix  1, *@  , Bruno De Lièvre * , Gaëtan Temperman * @
1 : Université de Mons - UMONS (BELGIQUE)
* : Auteur correspondant

 

 

En s'appuyant sur un croisement entre cinq dimensions théoriques, nous questionnons les activités numériques menées au premier degré de l'enseignement secondaire par des enseignants et leurs élèves. Plus précisément, l'objectif poursuivi est de s'interroger sur les éléments psychopédagogiques et didactiques de ces activités qui peuvent expliquer les difficultés rencontrées par les élèves en résolution de tâches numériques complexes. 

 

 

1. CADRAGE

 

Entre septembre et décembre 2014, six enseignants ont chacun dispensé entre 39 et 42 heures de cours dans le domaine des nombres (en excluant la partie algébrique) auprès d'une classe de 1re année et d'une classe de 2e année de l'enseignement secondaire. Les séances sont filmées et décodées selon un devis méthodologique précis.

Nous questionnons ici les activités menées en classe par le biais d'un croisement entre cinq dimensions théoriques. À travers cette analyse, nous essayons de répondre à la question de recherche : « Quels éléments psychopédagogiques et didactiques de ces activités peuvent expliquer les difficultés rencontrées par les élèves en résolution de tâches numériques complexes ? ».

Une tâche complexe met en œuvre une combinaison non étudiée de plusieurs connaissances apprises et de procédures automatisées. Elle nécessite l'élaboration de stratégies et fait appel à une ou plusieurs ressources. Elle s'oppose à une tâche simple qui se situe plutôt à un niveau taxonomique de restitution, de reproduction et/ou d'application. Une activité désigne, quant à elle, ce qui est accompli par une personne. Elle est relative à ce que développe cette personne lors de la résolution d'une tâche simple ou complexe (Robert & Rogalski, 2002). Une activité doit donc être vue à la fois comme résultat et comme processus.

Le support employé en classe est un manuel spécifiquement élaboré dans le cadre de cette recherche. 

 

2. MÉTHODOLOGIE

 

Notre étude vise à éclairer les relations entre l'enseignement de concepts numériques et leur apprentissage à l'aide du modèle de la double approche (Robert & Rogalski, 2005). Ce modèle possède cinq composantes : cognitive (se déduit des choix des contenus), médiative (se déduit des choix des déroulements), personnelle (expériences, formations...), institutionnelle (programmes, horaires...) et sociale (prise en compte des classes, des collègues...). Le degré d'analyse retenu ne s'appuie que sur les deux premières composantes.

Chaque leçon est filmée par caméra. Le décodage des activités s'inscrit suivant un croisement entre cinq dimensions théoriques : la dialectique outil/objet de Douady (1986), le modèle du théoricien/technicien et de l'artisan/constructeur inspiré de Paquay et al. (2002), les registres de représentations sémiotiques de Duval (1995), les modèles hypothétiques relatifs au changement conceptuel (Chi, 1997 ; diSessa, 1993 ; Posner & al., 1982 ; Vosniadou, 1994), et la théorie de la charge cognitive de Sweller (2003).

Ce mode d'analyse nous permet de mettre en évidence le degré d'importance porté par un enseignant quant à l'étude conceptuelle et procédurale d'une notion (suivant les dimensions applicative et constructive), au nombre et aux types de changements de registres sémiotiques utilisés, au recours à des outils technologiques, à la durée consacrée à la mise en recherche, à une approche par champs globaux plutôt que par champs locaux, à la cartographie a priori des connaissances nécessaires à la résolution ultérieure de tâches complexes.

 

3. RÉSULTATS

 

En amont, nous pouvons observer qu'aucun des six enseignants n'effectue a priori une cartographie des savoirs et savoir-faire nécessaires à la résolution ultérieure de tâches complexes. Le choix des tâches ne s'effectue que sur base des axes de compétences. 

Les activités menées en classe par les enseignants occupent en moyenne entre 90% et 95% du temps d'une séance d'enseignement/apprentissage. Les enseignants consacrent en moyenne moins de 10% (entre 5,2% et 12,4%) du temps à développer des activités relatives à la dimension conceptuelle d'une notion. Moins de 6% (entre 2,7% et 7,9%) du temps sont consacrés à la construction des procédures avec les élèves. De plus, hormis la calculatrice, tant les enseignants que les élèves n'emploient aucun outil technologique (excel, tableau interactif...).

Le nombre moyen de changements de registres sémiotiques est de 7. Les enseignants se limitent principalement au passage du numérique vers la langue naturelle, et inversement. Les registres à caractère visuel sont très rarement employés. Pour terminer, signalons que l'approche par champs locaux est préférée à l'approche par champs globaux (5,5% contre 94,5%).

Autrement dit, les activités d'enseignement/apprentissage analysées en classe se caractérisent par une étude isolée (par champs locaux) et non cartographiée au préalable des concepts et des procédures (applicatives et non constructives) numériques. Celles-ci sont gérées très majoritairement par les enseignants. Les activités menées par les élèves s'inscrivent essentiellement dans une sphère procédurale, articulée autour de deux registres sémiotiques, à travers laquelle les outils technologiques ont peu de place.

 

4. BIBLIOGRAPHIE

 

Chi, M.T.H. (1997). Creativity : Shifting across ontological categories flexibly. In Ward, T.B., Smith, S.M., & Vaid, J. (Eds), Creative thought : An investigation of conceptual structures and processes. Washington D.C. : American Psychological Association.

diSessa, A.A. (1993). Toward an epistemology of physics. Cognition and instruction, 10, pp. 105-225.

Douady, R. (1986). Jeu de cadres et dialectique outil-objet. Recherches en Didactique des Mathématiques, 7(2), pp. 5-31.

Duval, R. (1995). Sémiosis et pensée humaine: registres sémiotiques et apprentissage intellectuels. Berne: Peter Lang.

Paquay L., Carlier G., Colles L., Huynen A.-M. (Ed.), L'évaluation des compétences chez l'apprenant. Pratiques, Méthodes et Fondements, Actes du Colloque du 22 novembre 2000. Presses Universitaires de Louvain - UCL, 2002

Posner, G.J., Strike, K.A., Hewson, P.W., & Gertzog, W.A. (1982). Accommodation of a scientific conception : Towards a theory of conceptual change. Science Education, 66(2), pp. 211-227.

Robert, A., & Rogalski, J. (2002). Le système complexe et cohérent des pratiques des enseignants de mathématiques : une double approche. Revue canadienne de l'enseignement des sciences, des mathématiques et des technologies, 2(4), pp. 505-528.

Robert, A., & Rogalski, J. (2005). A cross-analysis of the mathematics teacher's activity. An example in a French 10th-grade class. Educational Studies in mathematics, 59, pp. 269-298.

Rogalski, J. (2008). Le cadre général de la théorie de l'activité. Une perspective de psychologie ergonomique. Des compléments sur les théories de l'activité et du développement, pour l'analyse des pratiques des enseignants et des apprentissages des élèves. In F. Vandebrouck (Éd.), La classe de mathématiques : activités des élèves et pratiques des enseignants (pp. 23-30 & pp. 429-459). Toulouse: Octarès.

Sweller J. (2003). Evolution of human cognitive architecture. In Ross, B. (Eds.), The psychology of learning and motivation (Vol. 43, pp. 215-266). San Diego, CA : Academic Press.


Personnes connectées : 3